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ler bien loin pour trouver le père Jouby, celui qui a succédé à Panuel. Il s’était d’abord installé ici, mais la mauvaise réputation de son devancier lui faisait du tort. Alors, il est allé s’établir un peu plus haut, sur la côte, à main droite.

— Ce devancier, comment l’appelez-vous ? Panuel était donc un malhonnête homme ?

— Ah pour ça, oui, il a filé de Mersey en enlevant la femme d’un de ses anciens amis.

— La femme d’un ami ! murmura le voyageur d’une voix altérée.

— Oui, d’un individu qui était au bagne pour les affaires de la bande noire, un nommé Détras. Panuel a enlevé la Détras, ainsi qu’une enfant qu’il avait eue d’elle et ils sont partis.

L’étranger eut un regard étrange. Pourtant ce fut d’une voix parfaitement calme qu’il demanda :

— Et partis sans dire où ils allaient ?

— Naturellement, répliqua le vieux en riant. Ils sont allés cacher leur bonheur comme deux jeunes amoureux.

— Merci, fit le voyageur.

Il partit de son pas régulier, gravissant la côte, sans que rien dans sa physionomie indiquât la torture intérieure qu’il devait ressentir.

Nos lecteurs ont reconnu Albert Détras.

Nous dirons tout à l’heure quelle suite de péripéties il avait traversée, quelles aventures l’avaient empêché, pendant des années, de revenir en France où, à peine de retour, il accourait à la recherche de Geneviève et de sa fille.

Il se disait qu’au bout de dix ans, personne ne le reconnaîtrait à Mersey. Malgré les épreuves cruelles qu’il avait subies, il n’était pas extrêmement vieilli. Ses cheveux châtains commençaient à peine à grisonner aux tempes ; mais, pour plus de sécurité, il se les blanchit, ainsi que la moustache.

Comme dans ce prétendu pays démocratique