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Pacifique, déroulant ses vagues à l’infini comme un océan de rêve et d’oubli.

De ce spectacle imposant du ciel, les regards de Détras s’arrachèrent pour se porter sur celui, plus prosaïque, de la terre. Trois cadavres de chiens couvraient le sol, et l’évadé, qui avait déjeuné sommairement de quelques koulas crues, se dit aussitôt qu’il avait là une provision de viande pour plusieurs jours.

Manger du chien ! Certes, l’ancien mineur eût autrefois catégoriquement refusé semblable mets, surtout à l’état cru. Mais ce n’était pas le moment de se montrer difficile.

Restait la double question : comment dépouiller les chiens et comment en conserver la viande ? Détras ne possédait d’autre instrument que ses mains et cependant il fallait se hâter, la décomposition des matières organiques s’accomplissant rapidement sous ces latitudes.

Combien il eût souhaité en ce moment posséder le moindre bout de métal pointu ou même une pierre tranchante ! Il comprenait les efforts persévérants des hommes primitifs pour tailler la pierre et la joie qu’ils durent ressentir lorsque, pour la première fois, ils furent en possession d’une informe pièce de métal fondu.

Détras se demandait s’il ne serait pas obligé de déchirer et dépouiller les cadavres avec ses dents, à la manière des bêtes fauves et il allait s’y résoudre, si répugnant que lui parût ce procédé, lorsqu’il eut une exclamation de joie.

Il venait tout simplement de songer à la boucle de son pantalon et à celle de son gilet. L’une et l’autre avec leurs dents constituaient deux engins précieux.

L’évadé eut bien vite enlevé la boucle du gilet à l’aide de laquelle il commença l’opération sur le petit chien, celui dont la chair et la peau tendres lui offraient le moins de résistance. Il l’eut assez vite