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mulés par la prime de vingt-cinq francs accordée pour la capture de tout forçat évadé, l’eussent chassé comme un gibier et finalement repris, tandis que, surveillants militaires et gendarmes, habitués à voyager seulement sur les routes, étaient médiocrement à craindre.

Détras marcha pendant quatre heures sans s’arrêter. Les niaoulis devenaient rares ; au flanc de montagnes escarpées, surplombant des précipices, courait un immense rideau de broussailles, d’où émergeaient çà et là de splendides fougères arborescentes.

Le fugitif gagna le couvert de ces broussailles et alors seulement fit halte pour se reposer et s’orienter.

Il avait derrière lui les postes militaires de Bouloupari, sur la route de Nouméa, et d’Uaraï, sur celle du Diahot, devant lui ceux de Kuen-Thio, à sa droite et de La Foa à sa gauche. S’il voulait gagner le massif presque impénétrable du Ouitchambô, il devait se diriger à droite en coupant la route de Bouloupari à Kuen-Thio et passant à distance de ce dernier poste.

C’était chose relativement aisée, mais une question se posait à lui : celle de la subsistance.

Ces montagnes désertes, couvertes de broussailles et çà et là de bois, n’abritaient pas de gibier, car la faune néo-calédonienne est pauvre. Les cocotiers, précieux pour leurs noix, ne s’éloignent guère des régions basses du littoral ; la destruction des tribus indigènes en 1878 a amené l’abandon des cultures, le bananier, l’igname et le taro sont devenus introuvables ou à peu près dans ces parages élevés ; le taro sauvage s’y rencontre encore, mais Détras se rappelait avoir vu succomber dans d’atroces souffrances un condamné qui avait cru pouvoir se nourrir avec les feuilles de ce végétal.

Lui faudrait-il mourir de faim ?

Tous les jours des forçats s’évadent, las de souffrir dans les camps sous la tyrannie du garde-chiourme, et la plupart, impuissants à se nourrir dans la brousse,