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Or, le mineur avait laissé dans son pays une femme et une enfant, une petite fille comme toi, Berthe, et il n’avait pas renoncé à l’idée de les revoir. Un jour il s’évada…

Geneviève, qui pleurait silencieusement, ne put se contenir davantage. Avec un cri étouffé elle se leva, chancelante, l’œil hagard.

— Parlez ! mais parlez donc ! fit-elle à Panuel. Vous me tuez.

Berthe, bouleversée de voir pleurer sa mère, fondit en larmes, elle aussi. Panuel la poussa doucement dans les bras de Geneviève. Toutes deux demeurèrent étroitement embrassées.

— Oui, continua Panuel, il s’est évadé. Et depuis, des années se sont passées ; on n’a plus eu de ses nouvelles, on n’a plus entendu parler de lui. Peut-être de nouvelles aventures l’ont-elles retenu dans les pays lointains et empêché de revoir sa femme et sa fille qui ne l’ont pas oublié et l’attendent toujours.

— Évadé ! murmurait Geneviève.

— Il reviendra ! s’écria Berthe. Ah ! Papa Nuel, c’est de mon père que tu parles : je l’ai compris en voyant pleurer maman.

Le premier choc, que le digne homme avait redouté pour Geneviève, ayant été ainsi préparé et amorti, Panuel raconta ce que, au bout de tant d’années écoulées dans l’incertitude, il était parvenu à apprendre.

En présence du mauvais vouloir ou de l’ignorance des autorités qui s’étaient bornées à constater la disparition d’Albert Détras, Panuel avait écrit sans en parler à Geneviève au directeur de l’administration pénitentiaire, puis au maire de Nouméa qui, plus humain, envoya deux lignes pour dire que tout ce qui concernait le bagne et les forçats lui était étranger.

Panuel s’abstint de montrer à son amie cette lettre qui, n’apportant aucun renseignement, n’eût pu que raviver sa douleur.