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quer le précepte chinois : « La femme doit être une ombre et un écho. »

Les Mayré n’avaient d’enfant qu’un fils, âgé de vingt-trois ans, qui, ayant devancé l’appel de sa classe, terminait actuellement son service militaire. Il allait être libéré dans quelques mois ; c’était en raison de son absence que son père s’était laissé aller à prendre une nouvelle servante qui, d’ailleurs, ne lui coûtait rien.

Céleste ne pouvait se défendre d’une vague inquiétude, un pressentiment peut-être, à l’idée de ce jeune homme qu’elle ne connaissait pas et que la caserne allait bientôt restituer à la vie des champs. Sans doute, n’aurait-on plus besoin d’elle et la rendrait-on aux hasards de la grande route.


X

DEUX ADVERSAIRES


Le docteur Paryn avait été élu maire de Climy ; le baron des Gourdes avait été élu conseiller général du canton de Mersey. La situation entre les deux hommes demeurait la même sans qu’aucun eût l’avantage sur l’autre.

Jamais ils ne s’étaient parlé, jamais ils ne s’étaient vus et la lutte entre eux continuait, implacable. Les deux partis qui s’incarnaient en leurs personnes se heurtaient furieusement.

Des Gourdes, c’était l’aristocratie féroce, non pas cette aristocratie momifiée, qui, étrangère à l’universel mouvement des choses, râle et achève de s’éteindre dans ses châteaux délabrés, au milieu d’un monde qu’elle ne connaît pas et qui ne la connaît pas, mais l’aristocratie rajeunie, retrempée par son union avec la haute bourgeoisie, enrichie dans la finance, l’industrie, les spéculations et s’engraissant du formidable travail des masses.