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vigoureusement trempés est condamné à se déprimer et s’atrophier en pareil milieu.

Mais la vue de Bernin produisit un effet salutaire sur sa victime. Sans doute, fût-ce la première fois que le misérable pût faire, bien involontairement, œuvre utile.

Ce fut d’abord un réveil ou, du moins, une netteté plus grande du souvenir. Mersey et les toits rouges de ses maisons, les chantiers des mines, le puits Saint-Pierre, les compagnons de travail et Bernin parmi eux, revécurent tels que s’il les eût quittés la veille, dans la pensée de Galfe.

Puis ce furent les réunions de mineurs sous les grands arbres du bois de Varne, les conciliabules, l’attentat.

Et, au milieu de cette revivification du passé, le léger brouillard qui entourait la figure de Céleste se dissipa. Galfe, arraché à la dangereuse torpeur de sa rêverie, sentit la vie revenir fortement en lui par la précision du souvenir.

Un flux de sang, qui semblait arrêté depuis des années, circula librement dans ses veines, portant à son cerveau la force et la lucidité.

Tout ce réveil de son être ne demanda, pour s’accomplir, que quelques instants.

Et lorsque Bernin, qui avait baissé la tête, effaré, anéanti, se hasarda à relever les yeux, il rencontra le regard, non plus stupéfié et intensément fulgurant, mais calme de sa victime.

Oui, calme, mais inexorablement rivé sur lui et qui le pénétrait comme une lame d’acier.

— Grâce ! murmura Bernin d’une voix étouffée et crispant les doigts.

Galfe haussa les épaules sans parler.

Quel mot eût-il pu dire qui exprimât la millième partie des idées et des sensations qui se pressaient en lui ? Et quel geste eût-il pu faire en ce milieu qui fût le geste logique ?