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— Voulez-vous allonger le pas, tas de rossards !…

C’était la voix du garde-chiourme qui le rappelait à la réalité.

Le détachement ne fit que traverser Nouméa sans s’arrêter et s’engagea sur la route qui, côtoyant à droite Montravel, à gauche un marais, limite de la presqu’île Ducos, mène à la Dumbéa.

Les forçats, leur baluchon sur le dos, allongeaient le pas, le surveillant Schneider marchant à l’arrière-garde et, tout en fumant tranquillement sa cigarette, ne les quittant pas de l’œil, prêt par habitude à tirer son revolver en cas de besoin.

Bernin ne pouvait s’empêcher de méditer à ce que présentait de singulier ce troupeau de dix-neuf individus maîtrisés et conduits par un seul. Certes, rien n’eût été plus facile aux condamnés que de se ruer contre leur surveillant sur cette route déserte et le tuer. Mais après, qu’eussent-ils fait ?

De chaque côté de la route, se succédaient invariablement des niaoulis, gros arbres au feuillage vert sombre et au tronc formé d’une couche de peaux d’un blanc argenté. Devant le détachement s’étageaient les hautes montagnes dont l’une, le Mont-Dore, brillait au soleil comme un bloc de vermeil.

Et, ayant dépassé le pont des Français, la rivière d’Yahouée, d’où part la conduite d’eau de Nouméa, puis quelques habitations éparses de colons, entourées de bananiers et d’orangers, les condamnés s’arrêtèrent soudain à l’ordre de : « Halte ! »

Devant eux s’étendaient deux cases, l’une grande et longue, l’autre petite et carrée. Autour de cette dernière, un jardin. Sur la route piochaient une vingtaine de forçats.

Le détachement était arrivé à destination. La plus grande de ces cases était celle des transportés, la plus petite celle des surveillants, au nombre de deux.

Un coup de sifflet ordonna la cessation du tra-