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jours à bord de ce bâtiment, j’en ai conservé le meilleur souvenir.

Nos fonctions nous donnaient rang de premiers maîtres, c’est-à-dire d’adjudants. Cette équivalence des positions civiles et militaires était considérée comme très importante en Nouvelle-Calédonie, où le galon jouait et joue probablement encore un si grand rôle. Les employés métropolitains, qui nous regardaient d’un air supérieur, avaient rang d’officiers et mangeaient au carré. Plus tard, lors de remaniements administratifs, la même situation nous fut reconnue et les porte-épaulettes durent nous traiter sur le pied d’égalité. J’ai ainsi voyagé successivement avec la plèbe, avec les élus et avec leurs sous-ordres les maîtres : je dois avouer que c’est avec ces derniers que j’ai passé les moments les plus agréables.

Partis de Nouméa à huit heures du matin, nous atteignions, vers deux heures de l’après-midi, la baie du Prony qui, s’ouvrant à l’extrémité méridionale de l’île, est appelée aussi baie du Sud. C’est une région de lacs, de rivières et de forêts renfermant toutes sortes de belles essences : le kaori, le tamanou, l’ébène, le milnéa, l’araucaria, le chêne-gomme, le hêtre-moucheté, etc. Il est regrettable que l’amiral de Montravel n’ait point songé à utiliser cette partie de la côte, ombragée, alimentée d’eaux vives et prête à donner une exploitation utile, pour en faire le chef-lieu de la colonie, au lieu de l’établir dans cette aride presqu’île de Nouméa. La situation stratégique, sans être aussi excellente, n’était pas mauvaise : une série d’anses sûres et profondes, protégées à l’ouest par l’île Ouen, à l’est par une multitude de petits récifs, ne laissant entre eux et la grande terre que le ca-