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fois, et les deux compères se partagèrent la poire.

Les colonies ont toujours été la proie d’une écume de rastaquouères. À six mille cinq cents lieues de la métropole, la Nouvelle-Calédonie, sans presse, sans tribunaux indépendants, sans assemblées élues, sans libertés d’aucune sorte, devait être encore plus mise en coupe que les autres. La servilité, l’aplatissement étaient tout le fond du caractère du colon : le moindre petit sous-lieutenant, bombardé « commandant » d’un district grand comme une sous-préfecture, se donnait des airs crevants. — « Mon commandant ! » lui bredouillaient ses administrés… Mais, attention ! Voici un satrape à trois galons qui passe : vite ! la main au chapeau ! Attention encore ! voici venir monsieur le sous-directeur des travaux agricoles, monsieur le commissaire des fonds, monsieur l’ordonnateur, monsieur le commandant de gendarmerie… monsieur le gouverneur ! fléchissez le genou… monseigneur l’évêque ! Ici, on se prosterne et on baise la terre.

Cependant, plus roi encore que le gouverneur et l’évêque, trônait un bout d’Anglais souriant et affairé, qui avait commencé par tirer la brouette, à cinq francs par jour, et qui, Dieu sait à la suite de quelles mystérieuses affaires ! manipulait maintenant des millions. John Higginson était d’une habileté sans pareille pour nouer une affaire, compromettre un fonctionnaire en lui glissant un pot-de-vin et s’en faire un allié utile. À côté des grotesques chamarrés dont on adorait l’uniforme, ce petit homme, simple d’allures et coiffé d’un inamovible chapeau gris, représentait la puissance du capital.

Sa plus fructueuse opération fut celle qui, en 1878, lui valut du gouvernement la cession, pour vingt années,