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plaisir de consacrer une page à ce littérateur d’affaires.

Il y avait peu de vie publique à l’île des Pins : l’appel fait par les surveillants militaires, le soir en temps ordinaire, et deux fois par jour lorsqu’il y avait un navire en vue, était, avec les enterrements la seule occasion de rassemblements. Au début, quelques vauriens, étrangers à toute idée politique ou sociale, s’étaient constitués en une sorte d’association malfaisante, la tierce, à l’effet de vivre sans travailler sur les autres. On supporta quelque temps leurs attaques et leurs déprédations, puis on leur donna la chasse et on finit par n’entendre plus parler d’eux. Il en avait été de même à la presqu’île Ducos. À leur honneur, les déportés ne voulurent pas recourir à l’administration pour ce lavage de linge : un seul, Saint-Brice, délégué de commune à l’île des Pins, frappé par quelques ennemis, les avait signalés, à tort ou à raison comme appartenant à la tierce et les malheureux, trois jeunes gens, furent fusillés. Pour ce fait, Saint-Brice se vit mettre à l’index : personne ne lui parlait plus et ce supplice se continua, après l’amnistie, à bord de la Loire, qui le ramenait en France.

La prison de l’île des Pins, — l’hôtel Bardoux, comme on l’appelait, du nom de son principal geôlier, — était bien remplie. Pour la plupart, ses pensionnaires étaient coupables de tentatives d’évasion. Après celle, si heureusement réussie de Rochefort, une véritable fièvre d’escampette avait travaillé les déportés : ils ne rêvaient plus que barques les transportant sur la côte australienne. Comme la plupart étaient d’excellents ouvriers, ils se mirent en mesure de réaliser ce songe. Chaque nuit, la forêt longeant la mer fut remplie d’hommes qui, furtivement, coupaient et façonnaient des arbres, puis au petit