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ce pandémonium, depuis le premier mars jusqu’au 28 juillet, c’est-à-dire cent quarante-sept jours.




CHAPITRE II.


À NOUMÉA.


Nous relâchâmes deux fois sur notre route : la première fois à Las Palmas, l’une des Canaries, pendant une demi-journée, la seconde fois à l’île Sainte-Catherine, sur la côte brésilienne, pendant près de deux semaines.

Retracer les divers incidents du bord serait fastidieux : ne les trouve-t-on pas dans tous les récits de voyages au long cours ? calmes plats, tempêtes, baptême de la ligne, passage du pot-aux-noirs, apparitions de poissons volants, pêche à l’albatros, funérailles de passagers d’après le cérémonial maritime. Par trois fois, nous vîmes un corps cousu dans un sac, boulet aux pieds, disparaître sous les vagues, pâture offerte aux requins suivant le sillage du navire. Nous marchions avec une lenteur désespérante, parfois ramenés brusquement en arrière par les vents contraires et tirant des bordées ou naviguant au plus près toute une semaine durant. Il y avait bien une machine, assez disproportionnée à la force du bâtiment, mais on ne s’en servait guère qu’au moment de mouiller en rade, pour se donner une allure coquette.

On voulut cependant l’allumer, une nuit, pendant les calmes plats du passage des tropiques : au matin, on releva mort un des chauffeurs ; il était cuit, littéralement cuit, jusqu’au cœur !