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testable talent de Jules Guesde, a fini par se disperser, fatiguée de l’intolérance criarde des chefs. Nos esprits, chauffés à blanc, vivaient bien plus dans la société future que dans celle-ci ; on méprisait le présent pour l’avenir, restant de folie religieuse : la révolution sociale tombant fatalement du ciel, selon la théorie marxiste, c’était un peu le jugement dernier qui doit équilibrer les biens et les maux, récompenser et punir.

Cette idée de providentialisme, qui ne laissait aucun but à l’activité humaine, a causé le plus grand mal. Si la révolution doit venir d’elle-même, de par le seul jeu des concurrences économiques, à quoi bon y travailler ? Les militants n’ont plus qu’à s’abandonner entre les mains de leurs chefs, qui, lorsque le moment sera venu tout seul, entreprendront le grand œuvre de réorganisation. Tout au plus, ont-ils à verser leur obole pour l’entretien des bréviaires socialistes, qu’ils peuvent lire et relire sans avoir le droit de les critiquer.

Que l’enchaînement des faits, le déterminisme soit universel, que, par suite, le libre arbitre n’existe pas, aucun homme ayant mordu à la science moderne ne le mettra en doute ; mais que l’homme soit une activité consciente, un facteur d’événements, qui le niera ? La distinction a toujours été faite entre le fatalisme scientifique, le déterminisme, et le fatalisme passif du musulman qui laisse brûler sa maison parce que « c’était écrit. »

D’ailleurs, en dépit de leur valeur personnelle, Guesde et ses amis ont, en tant que leaders, des allures d’un caporalisme prussien, cassant comme leur doctrine, un vocabulaire, hérissé de mots bizarres, qui déconcertent et choquent la foule. Malgré de tardifs succès électo-