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tait depuis longtemps mon rêve : j’ai cru au sacerdoce du journalisme ! Et, cependant, déjà au Réveil Lyonnais, mon début, j’avais eu un travail plutôt d’employé que de littérateur, Pain m’expliquant que le journalisme actuel vivait beaucoup plus d’informations courantes que de tirades grandiloquentes, réservées d’ailleurs aux rédacteurs en chef.

Devant l’organe d’alliance franco-italienne, fondé par le directeur de l’Agence Continentale, ma désillusion s’accentua : bien des choses m’étonnaient ; des concessions, des combinaisons singulières choquaient mon idéal de justice absolue ; comment ! ces fidèles de Garibaldi et Mazzini fraternisaient avec l’opportunisme français et coquettaient avec l’ambassade italienne ! ces démocrates s’inclinaient devant les noms et les titres à éclat ! décidément il me semblait que la religion laïque de liberté, progrès, fraternité, si hautement prêchée, avait de singuliers ministres. Par bonheur, l’intuition l’emporta sur une candeur développée par la vie sauvage : je limitai ma copie au rez-de-chaussée du journal.

Au passage Papier j’étudiais les dessous du prolétariat ; à la Gazette du Soir, qui eût pu jouer un beau rôle, je vis de près le monde des politiciens professionnels et reconnus ce qu’il y avait d’ambitions cachées et de désirs de jouir sous ces beaux dehors. Le bailleur de fonds, que je n’ai pas connu personnellement, était le général Türr, vieux guerrier, qui, après avoir eu son heure, se reposait dans l’opulence des fatigues de ses campagnes garibaldiennes ; derrière lui s’agitait tout un monde d’affairistes français et italiens, ces derniers surtout flambants et décavés, cachant leur pénurie sous des titres d’opéra-comique. Était-ce pour amener au soleil tout ce monde