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étant la conséquence de l’autre. Il ne put y réussir, Kary ayant, dès la première heure, embrassé la cause des blancs.

Ne pouvant rien faire de cet opiniâtre mécréant, l’acharné catéchiseur s’était rabattu sur le frère cadet du grand-chef, qu’il avait baptisé sous le nom de Louis. C’était peu, mais le ciel se décida enfin à venir en aide à son serviteur. Celui-ci, vers la fin de l’insurrection, époque encore favorable aux disparitions d’hommes, s’était rendu dans la tribu de Bourendy. Bien qu’aimant peu les missionnaires en général et le père Morris en particulier, Kary lui offrit l’hospitalité, car il avait toujours un poulet et une natte au service des voyageurs. Le lendemain, coïncidence bizarre, ce guerrier herculéen commença à tousser, pour la première fois de sa vie ; le surlendemain, il était attaqué de la poitrine ; vingt-quatre heures plus tard, il s’éteignait, baptisé in extremis par son hôte, qui fit aussitôt proclamer Louis chef mais non grand-chef. Cette dignité se trouva à la surprise générale, transférée à l’ex-vassal Philippo, l’homme-lige du missionnaire et aussi son voisin, ce qui facilitait désormais le gouvernement spirituel et temporel des tribus. Inutile de dire que, Kary n’étant plus là, les Bourendy, sous la double pression de leur chef et du père, furent baptisés en un tour de main.

Je serais un ingrat, si parlant des individus bons et mauvais, rencontrés sur cette terre d’exil, j’omettais Pierre Delhumeau. Il avait quatre ans, lorsque ses parents, pauvres habitants du littoral vendéen, arrivèrent avec lui en Nouvelle-Calédonie : ils s’établirent à Yaté, en pleine brousse, n’ayant de voisin européen qu’un vieux missionnaire. Pierre grandit en enfant de la na-