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Le mois de septembre fut donc assez paisible : on pouvait croire l’insurrection virtuellement terminée. J’avais, lassé des tiraillements avec l’autorité militaire demandé mon changement, peu avant qu’éclatât l’insurrection. Les événements me firent revenir sur ce désir, ne voulant pas quitter mon poste au fort du danger. Le calme semblant rétabli, je reçus avis qu’en octobre, je rentrerais au chef-lieu et nous préparâmes ce que l’incendie nous avait laissé de bagages, mes parents devant naturellement m’accompagner. Nous allions quitter la vie sauvage pour nous replonger dans la civilisation, passer en soixante-douze heures, de l’âge de pierre à l’âge du papier ; mais, avant notre départ, nous faillîmes tomber dans une embuscade qui, eût-elle réussi, se fût terminée par un repas de corps dont nous eussions fait tous les frais.

Des divers potentats bronzés dont les domaines nous entouraient, le plus sympathique était, sans contredit, Malakiné chef de Diahoué, dont j’avais failli devenir le gendre. Au lieu de fatiguer comme ses collègues de ses obsessions mendiantes pour du tabac, du tafia ou des dix sous, cet auguste personnage se montrait fort avenant lorsqu’on allait le visiter. Il est vrai qu’il n’y perdait rien : on lui savait gré de son accueil et les soldats, bons enfants, partageaient avec lui tafia et gamelles lorsque, à son tour, il venait au poste. Au milieu de nos incessantes alertes nous avions conservé confiance en ses sympathies.

Aussi, l’accueillîmes-nous fort bien quand, un dimanche, il vint nous trouver, porteur d’un gros poisson fumé. Nous lui achetâmes sa marchandise et le fîmes