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lieutenant, toujours calfeutré dans la caserne, il n’en mène pas large. Ah ! si l’ennemi avait un peu de décision, comme avec deux ou trois attaques simultanées sur différents points, et un peu d’élan il aurait raison de nous !

L’ennemi ! Faut-il donc l’appeler ainsi ce peuple noir qui combat pour son indépendance ? Proscrits pour la cause de la liberté, allons-nous passer du côté des oppresseurs ?

Telles sont les questions que mes parents et moi nous nous posons avec amertume.

Hélas ! la réponse n’est que trop claire.

Oui ces hommes, en se soulevant contre l’autorité ont pour eux le droit naturel. Ils veulent vivre à leur guise, sur le sol où ils sont nés : rien de plus juste. Mais ils ne distinguent pas, — le pourraient-ils d’ailleurs ! — entre le fonctionnaire qui les opprime, le colon qui, lentement le dépossède et le paria bouclé de force dans leur île, de par la rancune politique ou la vindicte sociale.

Forçats, déportés, femmes, enfants, vieillards, aussi bien que galonnés et messieurs ventrus, tout ce qui a visage blanc leur est odieux et mérite non seulement la mort, mais la torture la plus cruelle. Et, au milieu de leur œuvre inexorable de destruction, jamais l’éclair de pitié ne jaillit.

Il faut bien se préserver, préserver les siens : tout ce qu’on peut faire c’est de rester sur la défensive.

Cette étroitesse a d’ailleurs perdu les insurgés canaques. Eussent-ils ouvert leurs rangs à ceux des Européens qui n’avaient rien à craindre ni à espérer, aux forçats plus encore qu’aux déportés qu’un scrupule patriotique eût retenus pour la plupart, négocié sous main avec les Anglais qui pouvaient les approvisionner d’ar-