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Sa mort produisit une grande impression de stupeur. Comment, ces sauvages si méprisés osaient se soulever et même venir à bout de leurs maîtres ! Les bourgeois libéraux de Nouméa, affolés, jetaient feu et flammes et parlaient d’atroces représailles ; ils me rappelaient les hommes d’ordre de Paris à l’entrée des Versaillais, ces honnêtes et modérés infâmes, dignes de boire du sang dans des crânes : l’être humain est bien vil lorsqu’il a peur !

Une insurrection canaque, si vigoureuse dès le début, si différente des insurrections antérieures, me surprit. Très inquiet pour mon père et ma mère fort exposés sur leur montagne solitaire, je les fis venir chez moi, en dépit des criailleries du sieur Gaillard qui prétendait, comme chef d’arrondissement, s’arroger le droit de régir mon bureau. Il était temps ; quarante-huit heures plus tard, la paillotte flambait avec tout ce qu’elle contenait, car mes parents n’avaient emporté que leur linge de corps et quelques effets.

C’était un dimanche, vers dix heures du soir : nous revenions, Dubois et moi, d’une promenade pédestre et, comme cela lui arrivait quelquefois, mon surveillant était légèrement émêché. Nous venions de franchir le maigre torrent desséché limitant le poste au sud-est, quand une sentinelle nous arrêta avec ces paroles alarmantes :

« Monsieur Malato, regardez donc ? on dirait qu’il y a le feu à la maison de vos parents. »

Je bondis vers le plateau du télégraphe, suivi de Dubois, et jette un regard vers la paillotte abandonnée : c’est vrai, elle flambe ! Et, pour enlever tous doutes, de la maison Henry partent trois ou quatre détonations.