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fonçais dans la profondeur des fourrés ou des ravines, franchissant les torrents sur des carcasses d’arbres pourris, — ce qui me valut plus d’une dégringolade — ou m’égarant à la recherche des sépultures canaques.

Ces lieux de repos ont un aspect bizarre : ce sont généralement d’énormes pâtés de roches, entourés d’un inextricable réseau d’arbustes, lianes et plantes grimpantes. Les indigènes, antérieurement à l’arrivée des Européens, se contentaient, pour la plupart, d’exposer leurs morts, soutenus par des piquets sur les branches des arbres ou au sommet des roches ; quelques tribus devaient cependant, les enterrer ou plutôt les recouvrir d’une légère couche de cailloux. Aujourd’hui, sous la double influence des missionnaires et de l’administration, l’inhumation est devenue la règle. L’endroit choisi pour y mener les ancêtres dormir du dernier sommeil est écarté, d’un accès difficile : l’approche n’en est indiquée que par les fientes d’oiseaux et les débris de coquillages provenant soit d’anciens repas funéraires soit des provisions déposées auprès des morts et consommées par les rongeurs ou les rapaces.

J’avais un flair tout particulier pour découvrir ces cimetières et, une fois arrivé devant l’un d’eux, aucun obstacle ne m’arrêtait. Âmes sensibles qui me lisez et qui avez peut-être jeté l’anathème à Ravachol pénétrant dans la tombe d’une marquise, accablez-moi : j’ai violé des sépultures et chipé des crânes, que je déposais sur mes étagères comme de simples potiches.

Le désir indiscret d’aller taquiner d’innocents Mélanésiens n’était pas ce qui m’animait. Brûlant d’un malheureux penchant pour l’anatomie, l’ethnologie et quelques autres sciences naturelles, j’avais conçu l’am-