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fabrication du papier. Ses feuilles vert-sombre, minces et rigides, exhalent, lorsqu’on les broie, une forte odeur de térébenthine. Beaucoup de personnes attribuent aux émanations purifiantes du niaouli la salubrité remarquable de la colonie. Parfois, un village indigène, dépourvu d’allumettes et fatigué de recourir au vieux système du frottement de deux branches sèches, embrase un de ces arbres : le feu rongeant les couches concentriques de l’écorce, dure des jours entiers. Le Canaque, en passant, y allume sa pipe et s’en va, tandis que le géant achève de se consumer lentement. Ce procédé d’incendier un arbre pour en approcher son brûle-gueule ne manque pas de grandeur.

La rivière de Hienghène offre une particularité remarquable : elle disparaît avant d’arriver à la mer et vient sourdre dans l’îlot de Yengabat, à une lieue et demie de la côte, entraînant dans son cours souterrain des feuilles d’arbres qui n’existent que sur la grande terre. Elle aboutit dans cet îlot à un puits de deux mètres cinquante de profondeur qui donne une excellente eau douce, tandis que les puits artificiels creusés à côté ne fournissent au bout d’un temps dépendant de leur éloignement de la mer, qu’une eau tout à fait saumâtre.

À Houaïlou, j’avais exploré les grandes tribus de Di-Magué et de Boulindo, erré dans les plantations, visité les cases : celles des hommes, coniques, à l’entrée basse, à l’intérieur obscur possédant au centre trois pierres plates formant foyer ; celles des femmes, longues et rectangulaires ; celles des chefs au toit immense, surmonté d’énormes coquillages et verticalement traversé d’une sagaïe. Mes promenades à l’aventure m’avaient fait assister à des scènes étranges, mais ce n’était encore qu’un