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FABRICATION DES FROMAGES.


précédente écrêmée ; enfin on en fait aussi avec le lait écrêmé. — La méthode la plus usitée est celle dans laquelle on réunit 2 traites, sur l’une desquelles on enlève la crême, parce qu’on a reconnu qu’en mêlant cette crême, légèrement chauffée, avec le nouveau lait, elle s’unissait et s’incorporait beaucoup mieux avec lui. — Dans quelques laiteries on sépare une partie de la crême du soir pour faire du beurre, et on emploie tout le lait écrêmé. Dans d’autres, au contraire, on ajoute toute la crême et on supprime une portion du lait écrêmé.

11e Fromage anglais de Gloucester.

On en distingue 2 sortes, le double et le simple. Le 1er  se fait avec du lait d’une seule traite et frais. Le second se fabrique avec le lait du soir, dont on enlève la moitié de la crême ou la totalité, et le lait chaud du matin. Nous allons faire connaître le procédé suivi par Mme  Hayvard dans le Gloucestershire pour cette fabrication, parce qu’il nous a paru le meilleur et propre adonner de bons résultats. — On prend un baquet assez grand pour contenir tout le lait de la traite qu’on veut transformer en fromage, on pose en travers sur ce baquet un châssis oblong, couvert en entier par une toile claire qui déborde, et on place dessus un tamis de crin. Le lait, aussitôt après la mulsion, est coulé à travers cet appareil, et si la température du liquide était moindre de 25° à 26 cent., on réchaufferait au bain-marie une partie de ce lait pour ramener la totalité à la chaleur convenable. Si le lait est trop chaud, on le refroidit, au contraire, en y mêlant de l’eau froide, surtout en été.

Ces préliminaires terminés, on colore avec le rocou et on met ensuite en présure. Celle dont il faut se servir a été décrite précédemment, pag. 36. Dès qu’elle est introduite, le baquet est couvert avec un linge de laine et abandonné pendant une heure.

Lorsque le caillé est formé et assez ferme, on le coupe doucement et avec précaution avec le couteau à 3 lames, fig. 33. Ce caillé est ensuite passé au moulin, fig. 35 et 36, et quand il est réduit en une pulpe homogène, Mme  Hayward ne l’échaude pas, comme cela se pratique généralement dans le Gloucester, parce qu’elle a reconnu que le fromage était plus gras lorsqu’il n’avait pas subi l’action de l’eau bouillante ; mais elle le met de suite dans le moule en le comprimant fortement avec les mains. Au fur et à mesure qu’on remplit la forme, on presse la masse autant que possible, on arrondit le dessus au milieu, de manière à ce qu’il y ait exactement autant de fromage qu’il en faut pour remplir juste la forme après la pression ; on étend alors une toile fine sur cette forme, et on jette un peu d’eau chaude dessus pour durcir les parois du fromage et empêcher la pâte de se fendre. On renverse ensuite le fromage hors du moule sur un canevas. La forme est trempée dans du petit-lait chaud pour la nettoyer, et on y remet le fromage enveloppé dans sa toile, qui est repliée sur la partie supérieure et dont les bords sont engagés dans la forme. Les moules ainsi remplis sont placés sous la presse les uns sur les autres ; le fromage y reste 2 heures, après lesquelles on le retire et on remplace par un linge sec, opération qui se répète plusieurs fois pendant le cours de la journée.

Lorsqu’on a donné une toile sèche et propre aux formes, elles sont transportées sous une autre presse, placée dans une chambre voisine, sous laquelle elles restent les unes sur les autres jusqu’à la salaison. Les fromages qui sont faits le soir prennent dans la presse la place de ceux du matin, et les 1ers sont à leur tour déplacés par ceux du lendemain matin ; de sorte que les fromages fabriqués les derniers sont toujours placés les plus bas dans la presse, et que ceux des fabrications précédentes s’élèvent successivement en raison de leur ancienneté. Le même ordre doit être observé dans toutes les pressées qui suivent, et pour ne pas se tromper on peut mettre une marque ou un numéro sur les moules.

Les fromages de Gloucester sont salés généralement 24 heures après la fabrication ; quelques-uns le sont au bout de 12 heures. La salaison ne doit généralement commencer que lorsque la croûte est lisse et serrée ; s’il y a des fentes ou crevasses au moment où on les imprègne de sel, la peau ne se resserre plus. La salaison se fait en frottant avec la main le dessous, le dessus et les parois avec du sel desséché et en poudre fine. Les fromages salés sont alors retournés et placés dans l’ordre indiqué. On sale 3 fois le simple et 4 fois le double Gloucester, et on met un intervalle de 24 heures entre chaque salaison. Après la 2e ou la 3e, on retourne les fromages sans linge dans le moule pour effacer la marque de la toile, et afin que la surface soit unie et les bords nets et anguleux. Le double reste en presse 5 jours et le simple 4 ; c’est pourquoi dans un atelier où l’on fabrique journellement, On doit avoir des formes et des presses en nombre suffisant pour 4 ou 5 jours. La dose de sel employée est de 1½ à 2 kil. (3 à 4 liv.) pour 60 kil. (100 liv.) de fromage ou 5 fromages de 10 kilog. (20 liv.) chaque, poids ordinaire du Gloucester. — Lorsque ces fromages sont sortis des formes, on les met sur des tablettes pendant un jour ou deux, on les retourne toutes les 12 heures, ensuite on les porte dans le magasin ou grenier, où ils sont rangés sur le casier et retournés une fois par jour. Un mois après leur sortie des formes, les fromages sont propres à être nettoyés. Cette opération se fait avec un couteau ; l’ouvrier qui en est chargé s’asseoit sur le plancher, prend un fromage entre ses jambes, râcle la surface, en enlève toutes les croûtes, et les polit sans en endommager la peau. Avant de les expédier pour le marché de Londres, lorsqu’ils sont nettoyés, on les enduit, en les frottant avec un chiffon de laine, d’une peinture composée de rouge indien et de brun d’Espagne, délayés avec de la petite bière. Après cette opération ils sont replacés sur le casier, retournés 2 fois par semaine, et plus souvent si le temps est humide, et aussitôt que l’état de la peinture le permet, on les frotte fortement avec un linge une fois par semaine sur les bords, et à un pouce des arêtes de chacune des faces du fromage.