Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, III.djvu/449

Cette page n’a pas encore été corrigée
chap. 24e.
435
DU BISCUIT.


opèrent au moyen du bassinage, sur la même pâte que celle qui sert à la confection de ces pains de gruau.

C’est avec la pâte du pain à café que l’on fait les pains mollets de tous poids et aussi les pains dits de soupe. Ces derniers, extrêmement minces et allongés, sont tout en croûte lorsqu’ils sont cuits.

§ III. — Pains de luxe, pâte ordinaire.

Les pains de luxe, dits navette, flûte crevée, pains de tète, etc., se font avec de la pâle ordinaire sans travail particulier ; seulement quelques boulangers ont soin de mettre à l’air la quantité de pâte nécessaire pour ces sortes de pains, afin qu’elle n’ait pas trop d’apprêt au moment de la tourner.

Les bonaparte, pain rond, giberne, artichaut se font aussi de même pâte, mais beaucoup plus ferme.

Section XII. — Pain de munition.

Passer du pain de luxe au pain de munition, c’est passer d’une extrémité à l’autre ; car le pain que l’on donne au soldat est certainement le plus mauvais qui se fabrique en France. Dans les fermes où l’on n’emploie ordinairement pour la confection du pain que des blés de 2e qualité, une sorte de criblure que les batteurs désignent sous le nom de gorges, le pain est infiniment supérieur au pain de munition.

Cependant, l’administration a des réglemens qui prescrivent de ne mélanger dans les blés destinés à la confection du pain de munition ni seigle, ni orge ; de moudre à 10 livres d’extraction, c’est-à-dire sur un quint, met. de blé (100 kilogr.) de retirer 10 kilogr. de son el de mélanger tout le reste pour la manutention du pain. Quelles sont donc les causes auxquelles il faut attribuer la mauvaise qualité du pain de munition ?

1° A certains abus auxquels, avec une surveillance sévère, on pourrait remédier.
2° Au défaut de nettoyage suffisant des blés que les agens comptables mettent en mouture.
3° A la mauvaise manipulation de la pâte.
4° A sa mauvaise cuisson.

Ces abus, on n’y remédiera pas tant qu’on n’exigera pas pour le pain un type de blancheur.

La mauvaise manipulation et la mauvaise cuisson, tant qu’on n’exigera pas que les pains soient bien cuits.

La mauvaise qualité sous tous les rapports, tant que les blés ne seront pas soumis à un mode d’épuration uniforme qui, tout en permettant à la Guerre d’employer des blés de toutes qualités et de ménager ainsi les intérêts du trésor, préserve l’armée des affections intestinales qui conduisent, à certaines époques, des régimens entiers à l’hôpital, et assure enfin aux soldats une nourriture agréable et saine.

Ainsi, dans les années où le blé noir (blé noirci par la carie) est abondant, du mauvais nettoyage préalable que l’on fait subir aux grains résulte nécessairement une farine noircie et contenant des principes vénéneux que la cuisson du pain ne détruit pas et qui attaquent la santé des soldats.

Quelques frais de plus dans l’épuration des blés et la confection du pain de munition seraient plus que compensés par les économies que l’on ferait sur les frais d’hôpital[1]

A Paris, par exception, le pain de munition se fabrique avec un assortiment de farine ainsi composé :

Deux cinquièmes farine dite deuxième : ce sont les farines immédiatement au-dessous de celles propres à la boulangerie de Paris.

Deux cinquièmes farine dites troisième : première qualité des farines bises.

Un cinquième farine dite quatrième : dernière qualité, au-dessous de laquelle viennent immédiatement les remoulages.

Ce mélange donne un pain dont la couleur est assez bonne ; mais son défaut, comme celui de toutes les autres pâtes, c’est de n’être pas assez pétri. On emploie de très grands levains, afin que le pain puisse prendre son apprêt sans qu’on soit dans la nécessité de travailler la pâte. Cette pâte n’est en effet qu’une frase mal desséchée, à laquelle on ne laisse presque pas subir de fermentation 1re, qu’on se hâte de mettre au four et qu’on n’y laisse pas cuire afin d’éprouver le moins possible de déperdition de poids. Pauvre soldat !


Section XIII. — Du biscuit.

On nomme biscuit une sorte de pain très mince et très sec, sous forme de petites galettes, et destiné principalement à la nourriture des marins pendant les longs voyages. Le biscuit doit être fait avec d’excellente farine. Voici comme il se fabrique dans la plupart de nos ports de mer. On prend un levain jeune, dans la proportion de 1/2 kilogr. de levure pour 1 kilogr. de farine. Le délayage des levains se fait comme pour le pain, mais on frase beaucoup plus court et la pâte se fait extrêmement ferme. Le pétrissage fini, on travaille la pâte par parties, en donnant à chacune d’elles la forme d’une galette ronde et aplatie ; on les dispose ensuite sur des tables ou des planches qu’on porte dans un lieu frais ou à l’air, afin qu’il ne s’opère presque point de fermentation. Cela terminé, on chauffe le four bien moins que pour cuire le pain, et dès qu’on a tourné la dernière galette, on commence à enfourner la 1re. On les perce avec un instrument de fer de plusieurs trous à la surface, afin de favoriser la cuisson et l’évaporation de l’humidité. Pour que la galette soit à son point de cuite, elle doit rester environ 2 heures dans le four, qui n’est chauf-

  1. Nous avons parlé à l’article nettoyage des grains, de l’appareil laveur-sécheur que M. de Maupou a établi à Etampes ; la Guerre ne devrait-elle pas, après s’être assurée du mérite de ce système, l’appliquer à toutes ses manutentions militaires ? Un ministre qui adopterait une telle mesure rendrait le plus éminent service au pays ; et cette victoire remportée sur les abus illustrerait l’homme qui saurait y attacher son nom.