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chap. 24e.
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PRÉPARATION DES LEVAINS.

Cet agent est de deux sortes : le levain de pâte fermentée et la levure de bière ou ferment. Les boulangers emploient ces deux agens ensemble ou séparément, ainsi que nous le verrons par la suite.

§ 1er. — Des levains de pâte.

La préparation et le bon emploi du levain est un des points de l’art de la boulangerie qui demande le plus de soin, le plus d’intelligence et le plus d’expérience.

De la préparation des levains.

Distinguons d’abord l’apprêt du levain de ses préparations : Préparer un levain, c’est le confectionner selon les différentes sortes de pain qu’on doit faire, selon la température et selon l’espace de temps que l’on a devant soi. Un levain a son apprêt lorsque la fermentation est assez avancée pour produire son effet sur la pâte. Cet effet varie suivant que l’apprêt est plus on moins avancé. Les boulangers désignent les différens degrés d’apprêt par les noms de levain jeune et levain vieux.

Pour avoir de bon levain propre à bien faire la pâle, il faut le préparer à plusieurs fois. Les boulangers, à Paris, procèdent ainsi :

Levain de chef. A la 3e fournée, au plus tard, c’est-à-dire de minuit à 2 heures, selon l’ouvrage, ils mettent de côté un morceau de pâte de 8 à 12 livres, suivant l’importance de a cuisson. Avec cette quantité on fait ordinairement de 5 à 8 fournées de 60 pains de 4 livres. On place ce morceau de pâte dans une petite corbeille revêtue en dedans d’une toile qui se replie sur la pâte. En hiver on le pose plus près du four afin que le froid n’arrête pas sa fermentation. On le laisse reposer ainsi environ 6 à 7 heures et jusqu’à ce qu’il ait pris un volume à peu près double et qu’il offre une surface bombée et lisse ; il doit repousser légèrement la main quand on le presse, offrir encore de la ténacité et répandre une odeur spiritueuse agréable ; enfin il doit conserver sa forme et être plus léger que l’eau lorsqu’on le verse dans le pétrin. Tel est le levain de chef ; c’est la base de toutes les autres préparations de levain.

Levain de première. Sur les 8 heures du matin, c’est-à-dire environ 9 heures après avoir réparé le chef, on le renouvelle en préparant le levain de première. On commence parfaire au bout du pétrin ce qu’on appelle une fontaine ; c’est une espèce de retranchement pratiqué à une des extrémités du pétrin avec une certaine quantité de farine, laquelle est amoncelée, élevée en forme de coffre et bien foulée, afin que ce retranchement ne se rompe pas et retienne l’eau qu’on y verse. On verse dans cette fontaine la totalité de l’eau qu’on veut employer, 2 bassins (un demi-seau environ) ; on place ensuite très doucement le levain de chef au milieu ; on l’arrose en jetant de l’eau dessus avec la main ; puis on le délaie bien dans la masse d’eau versée. Ce délayage opéré, on y ajoute à peu près la moitié de la farine nécessaire pour porter le levain au double du chef ; on pétrit, puis on reprend en 2 fois l’autre moitié de farine restante et l’on pétrit encore. Ce levain se fait très ferme et demande à être travaillé avec force et vivacité ; ensuite on le roule et on le met en fontaine en tête du pétrin, en ayant soin de le couvrir d’une toile ou d’un sac. L’eau employée doit être plus ou moins chaude, selon la saison.

Levain de seconde. Vers 2 heures de l’après midi on renouvelle le levain de première en préparant le levain de seconde. On procède à ce renouvellement absolument comme pour le levain de première, c’est-à-dire en le mettant dans une fontaine ; on en double aussi le volume en coulant 3 bassins 1/2 à 4 bassins d’eau. La frase et le travail que l’on doit donner sont les mêmes que pour le levain de première ; seulement la pâte ne devra pas être tout-à-fait aussi ferme. Les bons boulangers attachent beaucoup d’importance à la bonne préparation du levain de seconde. En général, il eu est de la pâte des levains comme de celle du pain, plus elle est travaillée et plus elle acquiert de qualité.

Troisième levain ou levain de tout point. Les garçons boulangers, qui négligent parfois les levains de première et de seconde, donnent plus d’attention au levain de tout point ; c’est en effet celui qui sert immédiatement au pétrissage. Lorsque le levain de seconde est arrivé au degré convenable, c’est-à-dire vers 5 heures, 3 heures après sa confection, on le renouvelle en procédant à la préparation du levain de tout point. On opère absolument comme pour le levain de seconde, en doublant la quantité d’eau et la quantité de farine, et de telle sorte qu’il fasse le tiers de la 1re fournée, en été, et la moitié en hiver.

De l’apprêt des levains.

Ainsi que nous l’avons déjà dit, l’apprêt des levains est la conséquence de leur préparation. On ne peut guère déterminer le temps que chaque levain met à s’apprêter, c’est-à-dire à atteindre un état de fermentation tel qu’il est nécessaire, ou de le renouveler ou de l’employer à la composition de la pâte à cuire. Cet apprêt dépend des vicissitudes de l’atmosphère. Dans l’été le levain a moins besoin d’apprêt que dans l’hiver. Dans cette dernière saison on emploie plus de chef ; on coule l’eau plus chaude, on travaille la pâte moins longtemps, on la place sous des toiles sèches, enfin on excite la fermentation, tandis que, pendant l’été, on la tempère par des moyens tout opposés.

Il faut donc avoir soin de couler l’eau suivant les saisons, froide, tiède ou chaude. A Paris, le plus ordinairement, le levain de chef prend son apprêt de minuit à 8 heures du matin ; le levain de première, de 8 heures du matin à 2 heures après midi ; le levain de seconde, de 2 heures à 5 heures du soir ; et le levain de tout point, de 5 heures à 6 heures 1/2 ou 7 heures du soir.

Le levain produit sur la pâte des effets qui varient suivant que sa fermentation est plus ou moins avancée. On désigne ce degré de fermentation par les noms de levain jeune et levain vieux. On se sert encore d’une autre expression : fort levain ; mais elle se rapporte seulement à la quantité de levain qu’on in-