Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, III.djvu/148

Cette page n’a pas encore été corrigée

lorsqu’on en est dépourvu, il faut

134 ARTS AGRICOLES : ÉDUCATION DES VERS À SOIE LIV. IV. s’en procurer en la faisant venir des pays les plus avantageusement connus sous le rapport des soies qu’ils fournissent au commerce. C’est une erreur de croire, ainsi que cela a lien dans plusieurs cantons où l’on se livre à l’éducation des vers à soie, qu’il faut de temps en temps changer la graine d’un canton pour celle d’un autre. Ce pré- jugé n’a pu prendre naissance que dans les can- tons ou l’on ne donne pas les soins convenables aux vers ; car il n’y a que cela qui puisse faire dégénérer la graine, qu’on peut au contraire améliorer jusqu’à un certain point par de bons soins ; ainsi, en 1824, des vers nourris de mûrier rouge nous donnèrent des cocons dont le cent ne pesait que 1 once 6 gr. La graine de ces cocons ayant été conservée, nous sommes parvenus à l’améliorer et à la régénérer de telle sorte qu’en 1827 les vers qui en étaient descen- dus firent des cocons dont le cent pesait déjà 6 onces 1 gr. 24 grains, et en 1829, cent cocons, toujours de la même race, pesèrent jusqu’à 6 onces 4 gros. La graine se conserve ordinairement attachée sur des morceaux de linge ou d’étoffe de coton ou de laine, sur lesquels elle a été pondue, jusqu’au moment où l’on veut la vendre, ou quelque temps avant de la soumettre à l’incubation pour la faire éclore. Elle se vend au poids, et le prix d’un once varie depuis 3 jusqu’à 5 fr. et même plus, selon que la récolte précédente a été plus ou moins abondante. Dans presque tous les pays où l’éducation des vers à soie est en pratique, l’once de graine ne fait que les 4/5 de celle de Paris ou du poids de marc ; l’once d’Italie est encore plus faible ; elle ne contient que 39,138 œufs, selon dandoLo, celle du midi de la France environ 40 000, et celle du poids de marc à peu près 50 000. On peut conserver la graine et reculer assez longtemps l’époque de son éclosion en la plaçant dans des caves ou des carrières, dont la température soit basse et varie peu ; des expériences nombreuses nous ont démon- tré, dans les essais d’éducation multiples auxquels nous nous sommes livrés, que dans les glacières on peut la conserver au moins tout l’été, et durant un temps que nous n’avons pu déterminer. Dans tous les cas, afin de préserver la graine de l’influence de l’humidité, il est essentiel de placer les linges sur lesquels elle est collée, dans des bocaux dont on lute bien hermétiquement l’orifice. Pour détacher plus facilement la graine des linges ou des morceaux d’étoffe sur lesquels le papillon femelle l’a fixée, on les plonge dans une suffisante quantité d’eau à la température de 10 ou 11°R et on les retire après les y avoir laissés 5 à 6 min- utes, ce qui suffit pour dissoudre la substance gom- meuse qui tient les œufs attachés aux linges. Alors, on applique ces derniers sur une table en les tenant bien tendus, et avec un couteau de bois ou d’os, ou même de fer qui soit très émoussé et qu’on passe en l’appliquant du plat entre l’étoffe et les œufs, on détache ceux-ci avec beaucoup de facilité. Au fur et à mesure qu’on en a détaché une certaine quantité, on la dépose dans un vase rempli d’eau à la même température, jusque ce qu’il n’en reste plus sur les linges ou l’étoffe. Cela fait, on agite doucement cette eau avec la main en cherchant à séparer les œufs qui pourraient être collés les uns aux autres. Dans cette opération, tous ceux qui surnagent ne valent rien, on les enlève et on les jette ; tous ceux qui vont au fond sont féconds. Quand on juge que ces derniers sont suffisamment lavés et nettoyés, on décante avec précaution l’eau qui les recouvre, afin de n’en pas perdre, et tout ce qui est au fond du vase est retiré et mis sur un ou plusieurs tamis ser- rés ou sur des linges, ou seulement dans des assi- ettes que l’on incline à moitié afin d’en faire égout- ter l’eau. Dans un lieu sec, un peu aéré, la graine est assez sèche au bout d’une journée ; cependant, de peur qu’elle n’ait encore un peu d’humidité, il vaut mieux la laisser exposée à l’air pendant 2 ou 3 jours, en la remuant plusieurs fois pendant ce temps, pourvu que la température du lieu où elle est ne soit pas à plus de 9 ou 10°. Si on a une grande quantité de graine, il faut recommencer l’opération à plu- sieurs reprises, parce qu’on ne peut guère faire subir la préparation indiquée ci-dessus à plus de 8 à 10 onces à la fois. Il est toujours bon d’ailleurs qu’elle soit faite un mois environ avant de mettre à éclore, et dans un moment où l’embryon est encore dans le plus grand repos ; si on la faisait, au contraire, trop près de l’éclosion, cela pourrait nuire à cette fonc- tion. Jusqu’au moment de préparer l’incubation, la graine peut être gardée dans des assiettes, dans de petites boîtes plates où les couches aient 4 à 5 lignes d’épaisseur, ou enfin enveloppée dans du papier. La graine ainsi convenablement préparée et bien sèche peut aussi être distribuée dans de petites boîtes par 2 à 4 onces, où elle ne souffre pas de pression, et être envoyée partout où elle sera demandée. Boissier de sauvages dit que la graine se détache toujours assez facilement de l’étoffe sur laquelle elle a été pondue, sans qu’il soit besoin d’employer les lavages ; mais nous croyons qu’on doit en la détachant en briser davantage ; d’ailleurs, la graine reste malpropre, et enfin les œufs clairs et inféconds ne peuvent facilement être séparés, et comme ils restent mêlés aux bons, on n’est jamais à même d’apprécier au juste la quantité de bonne graine qu’on a mise à éclore. Dans l’état de nature, la graine commence à éclore spontanément lorsque la température s’est maintenue pendant environ 15 jours entre 10 et 12° ; mais alors les vers naissent les uns après les autres pendant plusieurs semaines de suite, et il n’y a pas moyen de faire d’éducation régulière et profitable. Pour obvier à cet inconvénient, on conserve la graine à la plus basse température qu’il est possible jusqu’au moment où l’on voit que les bourgeons du mûrier, qui doivent servir à la nourriture des vers, commen- cent à se développer ; alors on dispose la graine qu’on veut faire éclore ainsi qu’il a été dit plus haut, soit pour lui faire subir l’incubation au nouet, soit pour la placer dans la couveuse artificielle, l’ar- moire incubatoire ou l’étuve proprement dite. Ce qui a été déjà dit sur l’éclosion au nouet est suff- isant ; mais nous devons