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acquis en France le degré de perfection où il est arrivé dans les pays dont nous venons de faire con- naître les procédés. Il serait cependant très facile de leur donner toutes les qualités qui distinguent celles-ci, en observant les préceptes suivants : 1°On choisit, pour les salaisons, des bœufs encaissés dans de bons pâturages et dans l’âge où la viande a acquis toute sa saveur, sa fermeté et sa densité, et ceux dans lesquels la graisse est le mieux répartie dans les chairs. La France offre partout des bestiaux qui remplissent parfaitement ces condi- tions. Les animaux tenus constamment à l’étable, et nourris soit avec des aliments verts, soit même avec des aliments secs, ont une chair moins con- sistante, et chez eux la graisse est presque entière- ment accumulée sous la peau. Quelque grasse que soit la vache, sa chair ne supporte pas bien l’action du sel, et ne fournit pas de viandes salées de longue durée et de bonne qualité. 2° Il faut abattre l’animal de manière à le faire souffrir le moins possible, le saigner comme les po rcs, ne pas le souffler, et le dépecer le plus propre- ment qu’on pourra. On enlèvera les os, qui, selon la remarque de parmenTier, ont l’inconvénient de ne pas prendre le sel, de contenir de la moelle, sub- stance graisseuse qui passe facilement à l’état de putréfaction et entraîne l’altération de toutes les salaisons environnantes. En outre, ce sont les chairs qui touchent immédiatement les os qui se gâtent le plus facilement. Ces os, d’ailleurs, s’opposent à ce que les morceaux soient placés régulièrement dans les barils, et laissent des intervalles qu’on ne peut plus combler, même en tassant la viande ; ce qui est une cause d’altération. 3° On choisira un sel pur, léger, fin, pour frot- ter la viande, la pénétrer en peu de moments, et saturer toutes les parties liquides qui s’en écoulent pour former la saumure ; puis on fera usage d’un sel plus fort, plus dense et plus sec, et se dissolvant len- tement, pour embariller la viande. Les sels marins de Martigues (Bouches-du-Rhône), de Saint-Gilles (Vendée), ceux qu’on recueille dans le Golfe de Gascogne, et auxquels les salaisons du département des Basse-Pyrénées doivent, dit-on, leur réputation, et beaucoup d’autres, sont très propres à cet objet. La quantité des deux sels employés sera de 22 p. % en poids de la viande, dont 12 de sel léger et 10 de sel fort. 4° On ajoutera au sel 2 à 3 p. % de nitre ou salpêtre sec et épuré dont la moitié sera mélangée au sel destiné à frotter la viande. Cette portion a pour but de conserver à celle-ci une belle couleur rouge qui éloigne toute idée de corruption. L’autre portion entrera dans le sel de l’embarillage et ser- vira à maintenir la viande dans un état prolongé de fraîcheur. 5° L’embarillage sera fait avec un soin extrême en comprimant fortement les viandes, en les cou- vrant de la quantité nécessaire de sel et en rem- plissant bien exactement les barils d’une saumure pure et bien saturée, de manière à ne pas être obligé de les ouvrir pour remplir les vides qui se seraient formés au bout de quelques mois. Ces barils seront propres, construits avec exactitude, et ne présen- teront ni fentes, ni ouvertures, par où l’air pourrait s’introduire. On les fermera avec précaution, et on les enduira si cela paraît nécessaire, d’une couche de goudron ou de plâtre. En général, la supériorité des salaisons est moins due à la qualité des viandes qu’au sel qu’on emploie, et surtout à l’excellence des moyens mis en usage pour les préparer. Celles qu’on prépare suivant les méthodes décrites ci-dessus doivent se conserver pendant cinq années consécutives, même quand elles sont transportées dans les climats les plus chauds du globe. Le sel et le salpêtre ne sont pas les seuls corps qu’on fasse entrer dans la salaison des viandes ; on se sert encore, surtout pour celles qui sont des- tinées aux usages domestiques, de sucre, de baies de genièvre, de feuilles de laurier, etc., dont on déter- mine la dose suivant le goût et les habitudes des consommateurs. Les méthodes pour la salaison des viandes dont nous venons de présenter les détails, peuvent ser- vir de même à conserver la chair de mouton, d’ag- neau, de chèvre et de veau ; celle des oiseaux de basse-cour, surtout des oies et des canards. Nous ferons seulement observer que quand ces vian- des sont destinées à l’économie domestique, et par conséquent à être consommées au bout de peu de mois et transportées à de petites distances, il est inu- tile d’employer des doses aussi fortes des ingrédients conservateurs. La plupart du temps, 8 à 10 p. % de sel sont suffisants pour une bonne conservation de ménage. Des procédés à peu près analogues sont usités pour saler les poissons, tels que la morue, le hareng, la sardine, l’anchois, le saumon etc. Nous nous con- tenterons de rapporter ici celui que les Hollandais emploient pour la salaison des harengs, dont ils font un commerce si considérable. Aussitôt que les harengs sont hors de la mer, le caqueur hollandais leur coupe la gorge, en tire les

114 ARTS AGRICOLES : CONSERVATION DES VIANDES LIV. IV. entrailles, laisse la laite ou les œufs, les lave en eau douce et leur donne la sauce. Pour cela il les met dans une cuve pleine d’une forte saumure d’eau douce et de sel marin, où ils demeurent douze à quinze heures. Au sortir de la sauce on les fait égout- ter, puis on les range par lits dans les caques ou barils dont le fond est couvert d’une couche de sel. Lor- sque la caque est pleine, on recouvre d’une couche de sel, et on ferme exactement les barils, pour qu’ils conservent la saumure et ne prennent pas l’évent ; sans quoi les harengs ne se conserveraient pas. Dès qu’on a débarqué, on procède à la denxième salai- son, qui s’opère comme il suit : on défonce les barils, on en retire les harengs, qui sont jetés dans une cuve où ils sont lavés et nettoyés dans leur propre sau- mure : après quoi on les encaque dans de nouveaux barils, les têtes à la circonférence et les queues au centre, en les comprimant fortement avec le secours d’une machine, de façon qu’un baril en prend un tiers en sus de ce qu’il contenait primitivement. Nous nous sommes étendus suffisamment dans un chapitre précédent sur l’emploi qu’on