Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/395

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

[7.3]

Section III. — De l’élève du bétail.

On peut diviser l’élève en trois périodes différentes : La première comprend la période pendant laquelle l’animal se trouve dans le sein de sa mère ;

La seconde, pendant laquelle il tête et dépend encore de sa mère ;

La troisième comprend l’intervalle depuis le sevrage jusqu’à l’accouplement.

[7.3.1]

§ Ier. — Première période.

Avant que l’animal soit au monde, nous pouvons influer sur son état futur, sa venue, sa taille, etc., par le traitement auquel nous soumettons la mère.

Celle-ci doit être mieux nourrie, principalement pendant la seconde moitié de sa gestation, que dans l’état ordinaire ; on doit aussi éviter avec soin, dès cette époque, de lui faire faire des travaux pénibles et de la mettre dans le cas de recevoir de mauvais traitemens, surtout des coups sur le ventre, si l’on ne veut pas risquer de la faire avorter.

Le danger est d’autant plus grand, les soins sont d’autant plus urgens, que le moment du part approche davantage. Il est important de ne donner à l’animal immédiatement avant et après le part, qu’une nourriture légère, en quantité modérée et composée d’alimens de facile digestion, et cela, non-seulement pour la mère qui ne pourrait digérer une nourriture très-substantielle, mais encore dans l’intérêt du petit sujet qui n’a pas besoin d’une si grande abondance de lait et qui souffrirait même de sa faculté trop nutritive.

[7.3.2]

§ II. — Deuxième période.

Chez toute espèce de bétail, on doit, autant que possible, abandonner le part (la mise-bas) à la nature, et ce n’est que lorsque le petit se présente mal, qu’il faut aider la mère en tâchant de le replacer avec précaution dans la position normale.

Dès que le petit est né, on l’abandonne aux soins de sa mère qui sait déjà le traiter de la manière la plus convenable. Chez les chevaux, les moutons et les porcs, cette méthode ne souffre aucune exception ; ce n’est que chez les bêtes à cornes qu’on sépare quelquefois le veau de sa mère, pour des motifs développés plus loin.

Tous les mammifères cherchent par instinct leur nourriture aux mamelles de leurs mères jusqu’à ce que leurs organes de mastication et de digestion soient assez développés pour qu’ils puissent manger d’autres alimens.

Pendant l’allaitement, la mère doit recevoir une nourriture bonne et abondante, et surtout des alimens qui, tels que les carottes, les pommes de terre en petite quantité, les eaux blanches, les fourrages artificiels verts, favorisent la sécrétion du lait ; ou doit aussi lui éviter les fatigues et les mouvemens violens ; enfin on la laisse toujours autant que possible avec son petit.

À mesure que ce dernier croit, ses besoins augmentant, en même temps que le lait de la mère diminue, il se trouve bientôt forcé d’y suppléer par d’autres alimens ; comme à cet âge le petit est déjà fort et fait souffrir sa mère en tétant, celle-ci l’évite tous les jours davantage, et c’est ainsi qu’il se trouve enfin réduit à la nourriture des adultes.

Mais si l’on veut sevrer le petit avant cette époque, pour utiliser le lait de la mère ; ou si celle-ci est malade ou morte, on doit donner au jeune sujet du lait tiède ou un mélange de lait et de décoctions mucilagineuses faites avec de la farine, jusqu’à ce qu’il puisse manger et digérer des alimens solides.

Le sevrage des animaux dont nous n’employons pas le lait, et chez lesquels, par conséquent, nous laissons téter les petits jusqu’à ce qu’ils soient assez forts, n’éprouve aucune difficulté et n’a aucun danger ; mais lorsque le sevrage s’effectue bien avant l’époque indiquée par la nature, et qu’il a lieu en séparant la mère du petit, on doit s’y prendre avec précaution et progressivement, afin que le petit passe sans mauvaises suites aux nouveaux alimens, que la mère n’éprouve pas des affections du pis et que la séparation subite ne les rende pas malades l’un et l’autre.

[7.3.3]

§ III. — Troisième période.

Après le sevrage, la jeune bête doit être soumise à un régime qui convienne à sa nature et favorise le développement de ses forces et de ses bonnes dispositions.

Il faut aux jeunes bêtes le pâturage, pendant l’été, non-seulement pour s’y nourrir, mais encore pour y prendre de l’exercice, et pour y jouir de l’air et de la lumière ; la nourriture à l’etable, en été, ne convient pas à l’élève du bétail. — En hiver on les tient renfermés comme tout autre bétail ; mais si l’on veut faire de beaux élèves, il est nécessaire, surtout si c’est une race de grande taille, de leur procurer des étables vastes, où on les tient sans être attachés.

Les jeunes bêtes demandent toutes, proportionnellement, une meilleure nourriture que les bêtes adultes.

Ce serait agir contre ses intérêts que de mal nourrir des animaux à une époque où leur accroissement est le plus fort, et où ils exigent le plus de nourriture. Le bœuf de travail et le mouton adulte peuvent tous deux être hivernés avec un peu de racines et de la paille ; il n’en est pas de même des jeunes bêtes de ces deux genres de bestiaux ; si on réussissait à les conserver avec une nourriture pareille, on n’aurait jamais que des animaux chétifs. C’est dans l’enfance que l’on pose les bases de la force et de la taille, de même que les germes de la faiblesse et des défectuosités qui en résultent. On le comprendra facilement en songeant que l’accroissement dans la première année est triple, quadruple même, de ce qu’il est dans la seconde, et décuple de ce qu’il est dans la troisième, et que c’est dans les premiers mois de la première année que cet accroissement a lieu en majeure partie. Ces faits doivent particulièrement être pris en considération par les éleveurs qui veulent augmenter la taille de leurs bestiaux.

L. Moll,
Professeur d’agriculture au Conservatoire
des arts et métiers