Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/32

Cette page n’a pas encore été corrigée
18
liv. ii.
CULTURES INDUSTRIELLES : PLANTES TEXTILES ET FILAMENTEUSES.


lui donne de 10 à 12 et 15 po. (0m271 à 0m325 et 0m406) de profondeur, en laisant passer deux fois l’instrument dans la même tranchée. — Assez rarement il est nécessaire de herser. — Immédiatement avant le mom’ent des semailles, on hâle la terre, c’est-à-dire que, pour détruire les mauvaises herbes et pour ameublir la surface sans favoriser l’évaporalion de la masse inférieure, on détranche, toujours à la houe, à environ 2 po. (0m054). Le résultat de cette opération, lorsque la saison se comporte favorablement, est de procurer un guéret qui se répandra bientôt après sur la semence finement comme de la cendre.

Dans le département de l’Aisne, on suit à peu près partout le même assolement triennal, qui consiste à faire succéder le lin au chanvre et le blé au lin. Les cultivateurs fument pour le chanvre, retournent la terre après la récolte, l’ameublissent dans les premiers jours du printemps suivant par quelques hersages et roulages, sèment immédiatement le lin sans nouvelle fumure, et emblavent ensuite un froment qui vient très-bien après cette plante.

Quand la terre a été suffisamment ameublie, il faut encore parfois lui donner une dernière façon avant de lui confier la semence. C’est ainsi que dans les contrées septentrionales, sur les fonds qui seraient disposés à retenir l’eau outre mesure, on sépare les planches par de petits fossés d’écoulement, d’une largeur et d’une profondeur calculées d’après les besoins locaux. En Nort-Hollande, on donne à ces sortes de planches de 30 à 60 pieds (10 à 20 mètres) de large. Les fossés ont un peu plus d’un mètre de profondeur sur un pied et demi (0m487) de largeur. J’ai retrouvé une disposition analogue non loin d’Anvers ; mais, en général, en Belgique et mieux encore en France, à moins de cas particuliers, au lieu de donner au sol les moyens de s’égoutter, on cherche au contraire à lui faire conserver l’humidité nécessaire, et pour cela on le laboure uniformément à plat, ou en planches largesdont les côtés sont à peine indiqués par de légers sillons d’écoulement.

§ III. — Des engrais.

Si on semait le lin sur une terre nouvellement couverte de fumiers de litière, quel que soin qu’on eût pris de les répartir également, il en résulterait nécessairement une inégalité de végétation plus préjudiciable pour cette plante que pour toute autre ; tandis qu’un certain nombre de pieds prendraient le dessus et se lamifieraient de bonne heure, parce qu’ils auraient trop d’air, les autres seraient étouffés, et la récolte perdrait ainsi sa plus grande valeur. En général, c’est donc sur la culture préparatoire à celle du lin, qu’on répand les engrais, en assez grande quantité pour que cette culture n’en enlève qu’une partie, mais de manière que, l’année suivante, ce qui en reste soit complètement et également réparti dans la couche labourable.

Dans le département du Nord, cependant, non seulement on fume le trèfle ou le blé auquel ou veut faire suocéder le lin, à raison de 30 à 36 voitures de bon fumier et on y ajoute assez communément une dizaine de voitures de cendres de tourbe par hectare ; mais on emploie en quelques lieux une quantité de fumier à peu près égale pour le lin lui-même. En pareil cas on a soin de répandre et d’enterrer l’engrais avant l’hiver, afin qu’il se consomme, qu’il se divise par les labours subséquens, et que son action soit uniforme autant que possible.

Aux environs du Mans, M. Vétillart a adopté une méthode analogue ; en effet, vers le mois d’août ou de septembre, il donne un premier labour ; le mois suivant, il répand sur le terrain une quantité d’engrais double de celle que l’on mettrait pour le froment, et la fait enterrer par un second labour. — Sur les terres fortes il préfère le fumier de cheval, pour les terres légères celui de bœuf et de vache.

Toute espèce d’engrais convient au lin. Ceux en poudre sont d’autant plus avantageux que leur décomposition est uniforme et qu’on peut les répandre fort également. En Hollande et en Belgique on emploie assez souvent la poudrette ; je ne doute pas que l’on ne puisse obtenir un égal succès avec le noir animal en l’utilisant à propos, c’est-à-dire sur les terres d’une certaine consistance, naturellement plus froides que chaudes.

L’engrais liquide auquel les Flamands donnent le nom de purin et qui se compose de tourteaux oléagineux, piles et dissous dans l’urine des bestiaux, après qu’il a été étendu d’une grande quantité d’eau et qu’on l’a laissé fermenter plusieurs mois dans les citernes dont il a été parlé dans une autre partie de cet ouvrage, est un des meilleurs dont on puisse faire usage pour le lin. A la vérité il ne dispense pas absolument des autres fumures, mais il ajoute sans danger à leur énergie ; et comme on ne le répand que peu de jours avant le semis, il pénètre la terre d’une fraîcheur qui favorise la germination et qui active puissamment la première végétation des jeunes plantes.

§ IV. — De l’époque des semis et du choix de la graine.

Les lins d’hiver, semés dès les premiers jours de l’automne, ont moins à redouter l’effet des froids. — Les lins d’été se mettent en terre de la fin de mars à la première quinzaine de mai, vers le centre et le nord de la France. En semant trop tôt, on aurait à redouter les dernières gelées ; — en semant trop tard, on devrait craindre l’insuffisance des pluies, indispensables au développement de la végétation. Du reste, selon que se comportent les saisons, il peut arriver, sans qu’on puisse malheureusement le prévoir, qu’il y ait de l’avantage à semer plus tôt ou plus tard ; car la croissance du lin est rapide ; il ne prend que très-difficilement du développement en hauteur lorsque sa première pousse est maigre et coriace, et il cesse d’en prendre tout-à-fait aussitôt que la floraison commence, de sorte que les pluies ne lui sont vraiment indispensables que jusqu’à cette époque. Si elles viennent de bonne heure, les semis précoces réussissent ; si