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liv. ii.
CULTURES INDUSTRIELLES : DE LA VIGNE ET DE SA CULTURE.


pierreux on ne peut guère se servir de la première que pour les deuxième et troisième façons. On donne ordinairement trois de ces travaux à la terre, quelquefois quatre ; la première façon se commence vers la mi-mars, la seconde vers la fin de mai, la troisième aussitôt après la moisson, et enfin la quatrième, quand elle se donne, aussitôt la chute des feuilles pour les enterrer.

Ces façons se donnent aux mêmes époques quand on se sert de la charrue. M. Cavoleau, que nous nous plaisons toujours à citer, indique comme perfectionnement pour ce mode de culture, la herse à coutre de M. Ivart, ou mieux encore, dit il, le scarficateur du major Beatson. Nous souscrivons pleinement à la justesse de cette indication ; mais un auteur aussi judicieux qu’il est éclairé ne peut avoir entendu parler que des deuxième et troisième façons ; car, pour la première où l’on a à rompre une terre battue d’abord par les vendangeuses, plus tard par les vignerons, et de plus par les pluies de la fin de l’automne et de tout l’hiver, il faudrait trois chevaux qu’on aurait de la peine à placer et qui seraient d’une difficile conduite.

La première de toutes ces façons à la terre et qui précède même la taille, est le déchaussement des ceps. Cette opération consiste à creuser autour de chaque cep avec un instrument qu’on appelle tranche, de 6 à 7 centimètres de large et d’environ un double décimètre de long, tant pour supprimer les bourgeons qui partent d’un point de la souche qui se trouverait enterré, que pour détruire les racines superficielles du cep de la vigne, qu’elle est d’autant plus disposée à produire au détriment des racines inférieures, qu’on applique souvent l’engrais à la surface de la terre.

On peut voir la figure et la description des instrumens que nous venons de citer, dans les articles généraux du Tome premier.

A la seconde année, on fera bien de tailler les jeunes pousses les plus fortes, car les autres pourront bien attendre la troisième, où la taille sera générale. Aux jeunes ceps qui auront poussé de 2 yeux on retranchera la pousse supérieure, et on taillera l’inférieure a 2 yeux, ou 5 à 6 centimètres. Ce plant commencera à donner quelques raisins à la quatrième année, quelquefois même dès la troisième, mais plus sûrement à la cinquième.

§ VII. — Du provignage.

C’est à cette quatrième année qu’on s’occupe de remplacer par le provignage ou marcottage tous les plants qui auront manqué, et on continuera les années suivantes. Cette opération consiste à ouvrir des fossettes de 20 à 25 centimètres de profondeur, et de la longueur nécessaire pour conserver l’alignement des rangées, d’y coucher entièrement le cep dont on aura seulement conservé les sarmens qui devront former de nouveaux ceps, et qui, après avoir été alongés et coudés dans la fossette, seront taillés à 2 yeux au-dessus de la terre.

Il y a des vignerons qui les séparent de leur mère à la deuxième ou troisième année, il paraît même que c’est l’usage dans le Médoc, mais ils ont le plus grand tort, car ils affaiblissent beaucoup le provin, qui reste bien des années avant de prendre la force nécessaire à la production de beau fruit. Cette opération du provignage serait peut-être plus dispendieuse, mais d’un effet de plus longue durée, si, comme nous l’avons vu faire dans quelques vignobles, on ouvrait un nouveau fossé ou tranchée à côté de celui de la plantation, et de la même largeur et profondeur ; si, comme on a fait déjà et avec un succès encore plus certain que lors de la plantation, on les emplissait aux deux tiers de végétaux ligneux que l’on couvrirait de quelques pouces de terre, et si l’on couchait plus les ceps les plus vigoureux pour former une nouvelle rangée de vigne dans la supposition où l’on aurait laissé, lors de l’ouverture des tranchées primitives, l’espace nécessaire à ce complément de plantation. On n’omet jamais, dans l’un et l’autre cas, de fournir de nouveaux alimens à la terre, par l’addition de terreau ordinairement formé 3 ou 4 mois à l’avance par des couches alternatives de terre et de fumier.

§ VIII. — De la taille.

Nous sommes arrivés à la taille de la quatrième année, et ce devrait être le moment de poser la question de l’époque où on doit l’exécuter, le commencement ou la fin de l’hiver. Dans une vingtaine de départemens on la commence dans les avents de Noël, et on ne peut guère faire autrement avec la quantité de vigne que chaque vigneron a à faire. Le seul inconvénient que j’y trouve est de disposer les boutons restans à débourrer de bonne heure au printemps, et par là de les exposer davantage à être frappés de la gelée, surtout les plants hâtifs à la pousse, tels que les Pinauts blancs. Nous pensons aussi que les plants qui ont beaucoup de moelle courent plus de risque à être taillés de bonne heure, et cependant il y a des exemples de plus grands dommages essuyés par la gelée dans une vigne taillée au printemps, que dans les vignes voisines taillées selon l’usage du pays au commencement de l’hiver. D’un autre côté nous rappellerons que le père de l’Agriculture française, Olivier de Serres, dont les paroles méritent une grande confiance, a exprimé son opinion dans ces termes : « Plus tôt, plus de bois ; plus tard, plus de fruit.» C’est ainsi qu’on voit nos jardiniers les plus habiles ne tailler le pêcher qu’au moment où ses fleurs vont s’épanouir. On fera donc bien de commencer par les vignes les plus faibles, et de finir par celles qui poussent avec plus de vigueur. Mais il n’est pas toujours possible d’ordonner sa besogne selon ses désirs ; votre vigneron ne peut pas rester à ne rien faire.

La cinquième année ou pourra, en commençant par les vignes vigoureuses, du moins pour les variétés qui peuvent le supporter et même qui l’exigent, laisser un ployon, ou aste, viette, courgée ou verge ; c’est un sarment taillé à 8, 10 ou 12 yeux, selon sa force et celle du cep, qu’on laisse non pas à la tête du cep, mais à la partie la