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chap. 2e.
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PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES SOLS.


suspendus au milieu des morceaux de terre, au moyen d’un plateau de balance, jusqu’à ce qu’ils vinssent à casser. Le poids qu’ils avaient supporté servait de mesure à leur ténacité.

La quantité de poids dont on est obligé, pour les rompre, de charger les terres contenant de l’argile, est énorme. Elle s’est montée, pour l’argile pure, à 11 kil. 100 gramm. ; la chaux fine et pure, au contraire, ne supportait que 1 kilogramme 720 grammes. Alors, prenant la ténacité de l’argile (11,10 kilog.) pour mesure commune de 100 degrés, on compare à cette mesure les ténacités des autres terres, comme on le verra dans la table qui va suivre.

Cohésion du sol dans l’état humide, et son adhérence aux instrumens d’agriculture. — En travaillant une terre dans l’état humide, il ne faut pas seulement vaincre sa cohésion, mais principalement son adhérence aux instrumens d’agriculture. On s’est servi du moyen suivant pour déterminer la résistance en ce sens des différentes espèces de sols : deux disques d’une égale grandeur, de fer ou de bois de hêtre (ce sont les 2 substances dont on se sert le plus souvent pour confectionner les instrumens de culture), sont attachés aux deux extrémités des bras d’une balance, en ayant soin qu’ils y soient en équilibre. Alors on met un de ces disques en contact, le plus exact possible, avec la terre à examiner, et l’on charge l’autre disque de poids, jusqu’à ce que le premier se détache de la terre ; la quantité des poids ajoutés indique l’adhérence de la terre avec l’autre disque.

Afin de comparer les terres dans un état également humide, ce qui est très-important, on les emploie chaque fois dans l’état où elles se trouvent quand elles sortent des tamis (V. page 42), au moment où elles ne laissent plus dégoutter d’eau.

Les résultats différens obtenus par les deux modes d’essais précités sont réunis dans le tableau suivant :

Espèces de terres. Ténacité de la terre
sèche celle de l’argile
étant 100.
Ténacité
en poids.
 Adhérence à l’état humide
aux instruments d’agriculture
par décimètre carré
de fer de bois
kilog. kilog. kilog.
Sable siliceux 
0 0 0, 0, 17 0, 19
Sable calcaire 
0 0 0, 0, 19 0, 20
Terre calcaire fine 
5 0 0, 55 0, 65 0, 71
Humus 
8 7 0, 97 0, 40 0, 42
Magnésie carbonatée 
11 5 1, 27 0, 26 0, 32
Glaise maigre 
57 3 6, 36 0, 35 0, 40
Glaise grasse 
68 8 7, 64 0, 48 0, 52
Terre argileuse 
83 3 9, 25 0, 78 0, 86
Argile pure (privée de sable par décantation) 
100 0 11, 10 1, 22 1, 32
Terre de jardin 
7 6 0, 84 0, 29 0, 34
Terres arables 
33 0 3, 66 0, 26 0, 28
22 0 2, 44 0, 24 0, 27
Conclusions que l’on peut tirer du tableau qui précède.

1o La désignation de sol léger et de sol pesant ou terre forte, si généralement usitée parmi les agriculteurs, se fonde sur la ténacité de la terre et sur son adhérence aux instrumens d’agriculture : ces dénominations marquent donc surtout un sol plus ou moins facile à travailler, ou un sol plus ou moins adhérent aux outils et consistant. — Par les moyens ci-dessus indiqués, on peut apprécier ces propriétés avec une exactitude suffisante. Un sol est très-facile à travailler si sa ténacité, dans l’état sec, n’excède pas dix degrés ; au contraire, il est déjà assez difficile quand cette ténacité va jusqu’à quarante degrés. — Un sol, dans son état humide, est facile à travailler lorsqu’une surface d’un décimètre n’est retenue que par un poids de  0,20 à 0,30 kilog. ; mais il est déjà difficile quand il lui faut une force de 0,40 kilog. ; l’argile pure exige même 1 kilog. 32 gr. : les terres arables sont entre ces extrêmes avec différens degrés de ténacité et d’adhérence, comme l’indique le tableau ci-dessus.

2o La ténacité d’un sol n’est pas en proportion directe de sa faculté de retenir l’eau ; la terre calcaire fine et l’humus, qui la possèdent éminemment et à un bien plus haut degré que l’argile, ont néanmoins bien moins de ténacité et d’adhérence, et forment un sol facile à travailler. — Plusieurs espèces de sols légers (les sols sablonneux) gagnent beaucoup de cohésion par l’humidité. Le sable sec n’en a aucune ; mouillé, il en acquiert une assez considérable.

3o L’adhérence à une surface de bois est toujours plus forte qu’à une égale surface de fer ; ce phénomène se montre dans chaque terre en particulier, et il se reproduit en grand de plusieurs manières.

4o En général, la consistance d’une terre arable est d’autant plus grande qu’elle contient plus d’argile.

Diminution de la cohésion par l’effet des gelées. — On sait combien la cohésion des mottes de terre diminue quand une terre fraîchement labourée vient à geler, et combien elle devient alors plus friable. Pour suivre ce phénomène de plus près, on forme de longs morceaux de terre d’une égale épaisseur et largeur, on les expose dans un état humide, pendant plusieurs jours, à un froid rigoureux, jusqu’à ce qu’ils soient complètement gelés ; puis on les laisse sécher peu-à-peu dans un appartement habité, avec d’autres morceaux des mêmes terres qui n’avaient pas été exposées au froid : on détermine alors leur ténacité par la méthode précédemment exposée.

La cohésion de ceux qui ont été exposés aux froids diminue quelquefois jusqu’à moitié. Celle de la glaise grasse descend de 68,8 degrés à 45,0 ; celle de la terre arable d’Hoffwill, de 33 à 20 degrés. L’argile pure se laissait réduire en poudre par la seule pression du doigt, ce qui n’était pas possible pour la même argile séchée sans l’influence du froid.

L’humidité est nécessaire pour produire