Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/545

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la sève monte trop abondamment, il arrive souvent qu’il se forme à l’intérieur, dans les parties solides, des fissures où la sève s’épanche et altère profondément les tissus en s’y corrompant.

Toutes ces affections passent souvent à l’état gangreneux et dégénèrent en ulcères, terme analogue à ce qu’il exprime dans le règne animal, et qui désigne des plaies compliquées d’accidens particuliers dus à la nature des sucs spéciaux qu’elles transsudent. — Les uns laissent suinter des sucs acres et corrosifs qui désorganisent les bords de la plaie, et, en empêchant l’écorce de s’étendre, maintiennent cette plaie ou même l’augmentent : c’est ce que nous voyons chez les ormes, les mûriers, que ces ulcères peuvent faire périr. — M. de Candolle fait observer que ces accidens semblent plus graves chez les végétaux qui vivent près des fumiers et dans les terrains gras. — D’autres ulcères sont occasionés par les contusions qu’éprouvent les végétaux, lesquelles, en rompant la continuité du tissu interne de l’écorce, y déterminent des dépôts de sucs acres ; ceux-ci, lorsqu’ils ne peuvent se frayer un passage à l’extérieur, se glissent, par leur poids et la corrosion qu’ils exercent, entre l’écorce et le bois, et désorganisent ainsi les parties les plus essentielles à la vie. Il résulte de là des gouttières ulcérées très-dangereuses.

Le seul remède connu et appliqué uniformément à tous les ulcères, c’est de couper toute la partie ulcérée ou pourrie jusqu’au vif, et de transformer ainsi la plaie compliquée en plaie simple qu’on traite comme nous le dirons tout-à-l’heure.

Les affections produites par débilité dans la végétation peuvent provenir de la faiblesse des organes ou du défaut de sucs nutritifs. Un des plus remarquables est l’étiolement total ou partiel, auquel on donne aussi les noms de chlorose et pâleur, produit par l’absence ou l’action trop faible de la lumière, et qui a pour effet l’alongement, la décoloration et la tendreté des tiges et des feuilles, ce dont le cultivateur, le jardinier surtout, ont su tirer parti dans beaucoup de circonstances.

Une affection du même genre est l’ulcère ou jaunisse, qui arrive naturellement au milieu de l’automne, mais accidentellement par suite de la suspension de l’activité organique, annonçant, dans ce cas, des changemens analogues à ceux qui s’opèrent à l’époque de la chute des feuilles.

Le dépérissement des feuilles et des tiges, que Plenck appelle phthisie végétale, et qu’on désigne aussi sous le nom de consomption, est le résultat d’un grand nombre de causes très-diverses : comme la privation de sucs nutritifs, la végétation dans un sol aride ou contraire à la plante, ou bien sous un climat défavorable, une transplantation mal faite, une blessure profonde, des érosions chancreuses à la racine, la défoliation pendant l’été, un excès de floraison et de fructification, l’invasion de plantes ou d’insectes parasites. — La nature du sol parait étre une des principales causes des affections de ce genre : Un sol maigre ne porte que des plantes chétives ; elle y éprouvent avant l’âge les infirmités de la vieillesse ; l’écorce des arbres est sillonnée d’érosions cancéreuses ; leur tissu abonde en matières terreuses et salines ; leurs branches se dessèchent ; enfin leur tronc se dégarnit, ou, comme on le dit, se couronne.

Une bonne appropriation des végétaux que l’on cultive aux diverses natures de terre qu’on a à exploiter, l’amélioration du sol par des amendemens et des engrais convenablement choisis, tels sont les moyens d’éviter les inconvéniens qui résultent de ces affections presque aussi variées que les genres et les espèces du règne végétal, et dont le nombre se multiplie à mesure que les observations deviennent plus exactes. — Les arbres surtout sont sujets à une foule d’affections de ce genre. Ainsi, les propriétaires de Peupliers, dans beaucoup de contrées de la France, se plaignirent récemment du dépérissement d’une multitude de ces arbres, chez lesquels on n’observait à l’extérieur que quelques taches noirâtres produites par un écoulement de sève. Ainsi encore, en Angleterre et en Écosse, on a depuis peu remarqué deux maladies très-fâcheuses qui se sont emparées des Mélèzes ; la 1re est une plaie qui se forme à l’écorce, à deux pieds environ au-dessus du sol, et de laquelle exsude une grande quantité de résine : ces plaies se forment d’ordinaire des deux côtés de l’arbre alternativement jusqu’à ce qu’elles atteignent le sommet ; alors l’arbre meurt du haut en bas ; quelquefois les plaies sont opposées, et dans ce cas le vent brise l’arbre, ou bien elles entourent une branche qui tombe au bout de peu de temps. L’autre maladie est la destruction du cœur du bois, que M. Stephens attribue à la mort du bois parfait, survenant lorsque les sucs élaborés dans l’écorce et les feuilles sont empêchés, d’une façon quelconque, de passer en quantité suffisante par les rayons médullaires, de l’aubier au bois. M. de Candolle pense que l’humidité habituelle de l’atmosphère et le défaut d’une lumière assez intense sont les causes de ces maladies, et qu’on pourrait les prévenir en plantant les mélèzes sur les pentes, surtout à l’exposition du nord, et en les espaçant davantage.

Nous pourrions multiplier beaucoup, mais sans grande utilité, les citations d’exemples analogues pour d’autres végétaux.

[19:1:3]

§ iii. — Des lésions externes ou blessures.

Les affections qui sont le résultat de lésions externes ou de blessures peuvent provenir de causes très-diverses : le mouvement de la sève interrompu, gêné ou trop abondant, produit, comme nous venons de le voir, des ruptures et des écoulemens qui deviennent quelquefois sanieux, d’où naissent des érosions qui minent peu-à-peu la substance organique et dégénèrent souvent en ulcères plus ou moins dangereux. — Le dépôt de matières qui se concrètent, l’introduction, sous l’épiderme ou à la surface, de plantes ou d’animaux parasites, interceptent la transpiration ou la détournent à leur profit. — Enfin, les plaies, qui vont nous occuper, résultent de blessures, et sont souvent compliquées de contusions, de déchirures, de fractures, qui les aggravent. Ces lésions,