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Lorsqu’on cultive l’ajonc pour fourrage, on le tond ordinairement deux fois, une au commencement et la seconde vers la fin de l’hiver, en ayant soin de prévenir l’entier épanouissement des fleurs, parce que dès lors ses nombreuses épines seraient plus difficiles à briser, et parce que surtout les tiges acquerraient une rigidité telle que la faulx ne pourrait plus les renverser. Lorsque les champs d’ajoncs arrivent à un certain âge, on doit recourir à la serpe. Dans tous les cas, on frappe les branchages au maillet sur un billot, ou on les fait passer sous les meules à cidre pour émousser les piquans qui repousseraient les animaux. En cet état, tous les mangent avec grand plaisir, et ce peut être, à défaut d’autres fourrages, une ressource souvent importante.

Les Pins (Pini) sont aussi, dans les assolemens où l’on juge utile de les introduire pour quelques années, employés à la nourriture des troupeaux. Je ne reviendrai point ici sur le mode de culture applicable à de tels assolemens (Voy. le chap. X) ; mais il est utile d’appeler l’attention des cultivateurs sur le parti qu’on peut tirer des espèces les plus abondamment cultivées, et notamment du Pin maritime (Pinus maritima, Lin.), dont l’usage sous ce rapport est trop peu connu. Je ne puis mieux faire que de laisser parler M. de Morogues : « N’omettons pas ici le parti qu’on peut tirer des branchages de cette dernière espèce. Malheureusement les mérinos en font peu de cas ; mais les bêtes à laine indigènes qui ne les appèlent point en été, les mangent en hiver. Depuis deux ans, M. le comte de Tristan a affourragé de cette manière pendant tout l’hiver deux troupeaux de brebis, race de Sologne, et il s’en est applaudi. — M. de Gauvilliers, président de la Société d’agriculture du département de Loir-et-Cher, a aussi employé avec succès, dans sa terre près de Blois, ces branches pour nourrir les moutons ; et moi-même j’ai fait, de mon côté, plusieurs expériences à ce sujet qui toutes m’ont paru concluantes. — Il ne faut couper les branches de pins qu’au fur et a mesure du besoin, parce que quand elles sont sèches, les moutons paraissent ne s’en pas soucier, tandis qu’ils se jettent dessus avec avidité quand elles sont fraîches et qu’ils y ont été accoutumés. Si par hasard ils y répugnaient, on pourrait, vaincre ce dégoût en trempant d’abord dans de l’eau salée les branches qu’on leur donnerait. Cet expédient, dont on use avec succès pour faire manger (les premières fois, aurait dû ajouter l’auteur) des marrons d’Inde concassés aux brebis mérinos qui allaitent leurs agneaux, réussirait sans doute dans le cas que nous venons de mentionner. » (Essai sur les moyens d’améliorer l’agriculture en France.)

Certes, on ne cultivera jamais des pins comme fourrage dans les lieux où l’on pourra entreprendre des cultures herbagères ; mais on ne doit pas perdre de vue que M. de Morrogues, en les recommandant, parlait aux habitans de la Sologne, et que les circonstances fâcheuses qu’il avait en vue peuvent se présenter malheureusement en bien d’autres lieux. (Voy. l’art. Assolement.)

Beaucoup d’arbres estivaux sont très propres à donner des feuillards qui conviennent également à tous les herbivores. A. Thouin a consacré une partie de l’école pratique du Muséum d’histoire naturelle, et un paragraphe de son Cours de culture, à la formation et à la description de haies à fourrages. Malheureusement les espèces qui conviennent le mieux au bétail ne sont pas généralement celles qui procurent les clôtures les plus défensives, attendu qu’elles doivent être privées d’épines. Cet inconvénient est assez grave ; néanmoins il est telles positions ou l’on pourrait atteindre suffisamment le second but, sans manquer le premier ; or, selon moi, cette question est plus importante qu’on ne parait le croire. Ce n’est pas seulement au Jardin des Plantes de Paris qu’on peut voir de superbes haies qu’une tonture rigide ne fait que rendre plus touffues dans leur mince épaisseur. Tous ceux qui ont parcouru la Belgique en ont pu remarquer de semblables en plein champ, et certes l’abondance des ramées obtenues une ou deux fois dans le cours de la belle saison, lorsqu’elles sont de nature à affourrager les animaux, sont d’autant moins à dédaigner, qu’on peut choisir, pour les abattre, le moment où les prairies offrent le moins de ressources.

Une première condition à rechercher dans les végétaux qu’on destine à former des haies fourragères, c’est : 1o qu’ils plaisent aux bestiaux ; 2o que leur végétation soit le plus active possible, et que de fréquentes tontures ne leur soient pas nuisibles. L’orme, les érables, le charme et divers autres végétaux ligneux remplissent fort bien ce double but.

Quant aux arbres ou arbrisseaux qui ne pourraient former de bonnes clôtures, parce que leurs tiges sont ou trop faibles ou trop disposées à se dégarnir du pied, ou enfin parce qu’ils auraient à souffrir des effets de la tonture, on peut encore les utiliser à la nourriture des bestiaux, en les plantant, comme on l’a conseillé, en taillis, en quelque sorte fauchables chaque année ; — en les arrêtant sur souches très-basses ; — ou en les élevant en têtards, destinés à être coupés tous les 3 ou 4 ans, et dépouillés seulement de leurs feuilles chaque année aux approches de l’automne. Sons les deux premières formes, quelques-unes des espèces qui paraîtraient présenter le plus d’avantage sont les suivantes :

La Luzerne en arbre (Medicago arborea, Lin.), famille des légumineuses, qui est considérée par la plupart des naturalistes comme le vrai cytise, tant vanté des anciens, dont quelques essais avantageux ont été faits, je crois, aux environs de Montpellier, et qui parait très-propre à fournir à la fois dans les régions méridionales un excellent fourrage aux bestiaux et une nourriture de prédilection pour les abeilles. On sait que l’excellent miel du mont Hybla, célébré par Virgile, était recueilli sur les fleurs de ce végétal.

Le Cytise des Alpes (Cytisus laburnum, Lin.), même famille, qui prospère sur les terres sèches, rocailleuses, et dont il est probable qu’on obtiendrait des feuillards abondans et fort du goût des bestiaux.