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deux feuilles formant une sorte d’involucre ; la division inférieure du calice est presque double des autres en longueur. (Voy. les détails de la figure.)

De toutes les légumineuses fourragères, celle-ci est la plus répandue dans la grande culture. Ses avantages nombreux ont a peine besoin d’être rappelés.

La culture du trèfle paraît avoir été complètement inconnue d’Olivier de Serres, et, longtemps après cet écrivain, elle était encore fort peu répandue en France, si l’on en juge à la manière dont en parle Duhamel. Ce fut, je crois, l’Allemand Schoubart qui enseigna l’un des premiers à le semer parmi les céréales de printemps, afin de le récolter pendant l’année de jachère. Ses efforts durant une partie du siècle dernier furent couronnés d’un succès si national, qu’ils lui valurent le titre de noble de Kléefeld (champ de trèfle) chez nos voisins, peu de temps avant que Parmentier s’immortalisât chez nous en y répandant la culture de la pomme-de-terre. — On peut juger par la lecture des auteurs allemands qu’à cette époque de l’apparition du trèfle dans les assolemens triennaux, on ne tarissait pas sur ses éloges. Ce végétal précieux, disait-on, n’épuisait nullement le sol, il l’améliorait au contraire par ses racines et par ses feuilles pleines de sucs, que la troisième coupe rendait à la terre, et d’ailleurs il lui aidait à absorber les sucs nourriciers de l’atmosphère. — Il tenait le terrain tellement meuble et propre, qu’un seul labour y assurait aussi bien, si ce n’était mieux que ne l’eût fait une jachère, la réussite d’une récolte de blé. — Le fourrage abondant et succulent qu’on obtenait ainsi de la jachère procurait par la nourriture à l’étable et l’excédant de foin qu’on avait à sa disposition, une rente du bétail beaucoup plus élevée, et une véritable surabondance d’engrais. — On croyait pouvoir, à l’avenir, se passer de prés, de pâturages et de tous autres moyens de nourrir les herbivores. — Le trèfle était enfin considéré comme le tout de l’agriculture ; sur lui et sur l’abolition du pacage et de la jachère, reposait le bonheur du genre humain !…

Or, à cette époque, un semblable engouement était tout naturel ; car les inconvéniens inhérens à la culture du trèfle sont en grande partie la suite de son trop fréquent retour sur les mêmes soles, et l’expérience seule pouvait les faire connaître. On s’aperçut depuis qu’en effet, s’il n’épuisait pas le terrain sur lequel on voulait le ramener de 2 en 2 ou de 3 en 3 ans, il l’effritait au point de ne pouvoir plus s’y soutenir ; — que par suite de cet inconvénient fort grave en lui-même, il cessait d’être une culture nettoyante, et qu’il ne pouvait plus en aucune façon remplacer en pareil cas la jachère, attendu qu’il était souillé de mauvaises herbes ; — que son fourrage, consommé sur pied dans les lieux où l’on conservait l’usage des pâturages, offrait des dangers, à moins qu’on ne l’associât à quelque autre, et qu’il était assez difficile de le sécher convenablement. — Enfin, on trouva aussi que l’impossibilité de le conserver plus de 2 ou, à la rigueur, de 3 ans, était une chose fâcheuse ; mais, sous ce point de vue, la facilité que donne la rapidité de sa croissance de le faire entrer dans les assolemens à court terme, sans perdre pour ainsi dire un seul instant de la rente du sol, dut paraître dans tous les temps, comme elle l’est en effet, une compensation suffisante à sa courte durée. — Quoi qu’il en suit, en se défendant de l’abus, et en prenant les diverses précautions qui ont été indiquées à l’article Assolement, et dans le cours des premières sections de ce chapitre, les pompeux éloges de Schoubart et de ses contemporains sont bien près de la réalité.

Le trèfle se plait de préférence dans les terrains frais et profonds de nature sablo-argileuse ; et, quoiqu’il soit parfois assez difficile d’en obtenir de beaux semis dans les terres fortes, une fois qu’il y a établi ses longues racines, il y vient bien. — Sur les sols dans lesquels le calcaire ne se trouve pas en proportion excessive, il réussit aussi, pourvu que le fonds en soit argileux. — Quant aux sols très-légers, ils lui conviennent moins qu’à la lupuline. Celle-ci y pousse plus vigoureusement, et n’a pas au même point que lui l’inconvénient de soulever et de diviser à l’excès la couche végétale.

Le plus souvent (Voy. p.487 et suiv.) on sème le trèfle au printemps, avec les avoines, les orges, les blés de mars ou d’automne, le maïs ; — d’autres fois avec le lin, ce qui exige, comme je l’ai rappelé en parlant de cette plante, quelques précautions ; — avec le colza, etc. — L’automne ne convient pas dans nos régions moyennes. Elle ne convient guère mieux dans les départemens méridionaux. Là, les hivers sans neige détruisent fréquemment le trèfle, ou, s’ils sont fort doux, ils lui permettent d’acquérir un développement tel, et sa précocité devient si grande au printemps suivant, qu’il peut fleurir avant la moisson, et causer un notable dommage à la céréale. Afin de parer autant que possible à ce double résultat, on choisit donc généralement le printemps, quoiqu’il soit rare que les pluies soient assez abondantes dans la France méridionale, à cette époque, pour assurer le succès des semis. — Cependant, divers cultivateurs, parmi lesquels je cite avec confiance M. Louis de Villeneuve, ont trouvé préférable de semer clair dans les 15 premiers jours d’octobre, avec le blé, et, lorsque le froid acquiert plus tard une certaine intensité, de répandre de nouveau, à la fin de février, un tiers environ de semence en sus de la quantité ordinaire. Lorsque le trèfle d’automne nuit au blé par son rapide développement, chance du reste fort rare, on peut se procurer une sorte de dédommagement en coupant ce dernier très-haut, et en fauchant de suite le chaume. « On obtient ainsi un mélange de trèfle et de paille qui fait un excellent fourrage. Si on doit avoir une assez grande quantité de terre en trèfle, il est prudent d’en semer une partie en automne, et l’autre au printemps. » (Essai d’un manuel d’agriculture, etc. Toulouse, 1825.)

De la fin de février à celle de mars ou même d’avril, selon les localités et la température des saisons, on fume quelquefois le trèfle. Toutefois, cette précaution est rarement nécessaire dans un bon asso-