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les répandra dans les rayons mêmes où l’on dépose la semence.

On convient généralement que la terre devra être labourée pour les carottes, aussi profondément que possible, parce que de toutes les plantes sarclées c’est celle dont les racines traversent la plus grande épaisseur de terre. Avant de donner ce labour profond, on aura soin de herser et d’ameublir la surface, afin de ne pas placer au fond de la raie une terre durcie et resserrée.

On peut déjà semer les carottes vers la fin de février, mais l’époque la plus favorable, c’est la première quinzaine de mars. Cette époque serait encore reculée de plusieurs semaines si la température s’opposait à un ensemencement convenable.

Si on cultive la carotte comme récolte isolée, et sans l’associer à un autre végétal, il ne faut point songer à la semaille à la volée. La disposition par rangées a ici des avantages encore plus marqués que pour la plupart des autres plantes.

Si on n’a pas encore de semoir, on en choisira un des plus simples parmi ceux figurés précédemment. Avant de répandre la semence, on aura la précaution de laisser germer et lever les graines de plantes nuisibles qui se trouvent à la superficie et de les détruire par un léger hersage, répété plusieurs fois. On s’épargnera ainsi les frais d’un premier sarclage, ou du moins ou en reculera beaucoup l’époque. — Les rangées seront éloignées de deux pieds. Une plus grande distance serait nuisible, parce que l’intervalle ne pourrait être en totalité ombragé par les feuilles : un éloignement moindre ne permettrait plus à la houe à cheval de fonctionner. — Avant d’employer la graine on l’exposera au soleil ou dans un local chauffé, et on la frottera entre les mains, afin de briser les aspérités qui la recouvrent et au moyen desquelles les semences s’accrochent et se pelotonnent. — 4 à 5 livres de graines sont une quantité suffisante ; il est rarement avantageux de la dépasser, parce que si les plantes lèvent bien, il faut ensuite une grande dépense de main d’œuvre pour arracher les plants surnuméraires.

Quand on sème la carotte dans une autre récolte qui doit lui servir d’abri, elle n’exige pas d’autre préparation que cette récolte principale. Comme il est probable que beaucoup de semences ne se trouveront pas dans des conditions favorables à la germination, on en augmentera un peu la quantité qu’on portera à 8 ou 9 livres. Ici il n’est guère possible d’opérer la semaille en lignes : mais ce qu’on perd sous ce rapport, on le récupère largement par la diminution des frais de sarclage, qui ne sont plus aussi nécessaire que si la plante eût été semée seule.

Nous avons déjà laissé entrevoir que celui qui cultive les carottes doit s’attendre et se préparer à des travaux dispendieux d’entretien. Cette plante, en effet, a une enfance longue et laborieuse : pendant que sa végétation se traîne lente et pénible jusqu’aux premières chaleurs du printemps, les mauvaises herbes se multiplient avec rapidité et ne tardent pas à envahir toute la superficie, et il faut de toute nécessité les arracher et les emporter. Les carottes, lorsqu’elles n’ont encore que leurs premières feuilles, ont tant de ressemblance avec les herbes parasites qui croissent au milieu d’elles, que les ouvriers peu habitués au port de cette plante les confondent souvent.

Il est très-nécessaire de faire le premier sarclage à la main. Les praticiens sont partagés d’opinion sur l’époque où il doit être exécuté. Les uns conseillent de l’opérer le plus tôt possible, afin que les mauvaises herbes ne puissent ni étouffer ni affamer les carottes. Les autres soutiennent que le sarclage ne doit être exécuté qu’au moment où les mauvaises herbes commencent à fleurir : ils disent, pour étayer leur opinion, que la végétation des parasites, loin de nuire aux carottes, favorise leur accroissement en couvrant la terre de leur ombrage, et en empêchant le sol de se resserrer, et d’empêcher l’alongement et le développement des racines. Cette opinion parait fondée ; un fait certain, c’est que les carottes ne craignent nullement le contact d’autres plantes : il est inutile d’invoquer à l’appui de cette assertion l’exemple des carottes que l’on sème dans le colza, dans le lin, etc. Mais dans ce cas il faut se tenir sur ses gardes, et avoir à sa disposition une armée de sarcleuses, afin que jamais aucune plante parasite n’arrive, je ne dis pas en graine, mais en fleur. Ce premier sarclage se fera à reculons, afin de piétiner la terre le moins possible et de ne pas fouler des plantes tendres et délicates.

Lorsque, quelques semaines après ce premier sarclage, les carottes ont poussé plusieurs feuilles, et qu’elles annoncent un état de santé et de vigueur, on donne un hersage énergique, si elles ont levé dru ; au contraire, si elles sont peu épaisses, on en donnera plusieurs, mais très légers.

Ordinairement, après cette façon, les plantes prennent un accroissement rapide ; les rangées se dessinent, et on peut dès lors faire fonctionner la houe à cheval autant de fois que le demande l’état de la terre sous le double rapport de l’ameublissement et de la propreté. C’est également le moment d’éclaircir les places trop épaisses. On laissera les plantes à 9 pouces les unes des autres dans la ligne. Quelques auteurs conseillent de regarnir les places vides en y plantant des carottes prises soit dans le champ même, soit dans une pépinière : cette méthode est peu pratiquée.

Les carottes semées au milieu d’une autre récolte se traitent à peu près comme celles semées en récolte principale, à l’exception que les binages se font à la main. Immédiatement après l’enlèvement de la première récolte, on donne plusieurs hersages répétés dans tous les sens, afin d’enlever le plus de chaumes possible. On procède ensuite à l’éclaircissage du plant dans les places trop garnies : on enlève tous les débris rassemblés par le hersage ; on bine autant de fois qu’on le juge à propos. Comme il est rare que les carottes deviennent dans ce cas aussi grosses que les autres, on les laisse un peu plus épaisses. Le feuillage des carottes a une odeur qui repousse presque tous les insectes. Cepend-