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AGRICULTURE : ENSEMENCEMENS ET PLANTATIONS.

sème dans la céréale est recouvert par le binage avec beaucoup plus de perfection qu’il ne le serait avec la herse, et l’on sait qu’un beau trèfle est la meilleure garantie de réussite pour le froment qui lui succède.

Si la céréale ne contenait pas de mauvaises herbes, ou qu’on ne pût disposer que d’un petit nombre du bras, on emploierait avec avantage et une économie notable de main d’œuvre, le râteau à dents de fer.

Toutes les fois que l’on se disposera à faire biner les céréales, ou aura soin de ne commencer cette opération qu’à l’époque où les tiges sont prêtes à monter, afin qu’aussitôt la besogne terminée le feuillage des plantes couvre le sol, et ne permette plus aux graines des mauvaises herbes de germer, en leur ôtant toute communication avec l’air.

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§ ii. — Binage à la main des récoltes sarclées.

Le binage des plantes sarclées s’exécute avec des instrumens conduits par des chevaux ou à bras d’hommes. Cette dernière méthode est la seule praticable lorsque la semaille a été faite à la volée, ou lorsque les rangées sont tellement rapprochées qu’il serait trop dispendieux d’employer les forces d’un cheval pour biner une très-petite surface. Nous allons parler d’abord de cette manière.

Le binage à la houe à main a été longtemps le seul en usage, et aujourd’hui encore on n’en connaît pas d’autres dans les 9/10, au moins, des exploitations françaises. Pour l’observateur attentif il est certain que c’est là une des causes principales qui ont retardé chez nous les progrès de la culture raisonnée. Il est vrai que dans bien des circonstances le binage à la main ne peut être remplacé par aucune autre opération. C’est le cas qui se présente, lorsque les plantes commencent à sortir de terre ; leurs racines sont si délicates à cette époque, leurs tiges sont si grêles, qu’il serait à craindre que, secouées trop vigoureusement par la houe à cheval, ou même couvertes par la terre qu’elle déplace, elles ne subissent dans ce cas un dommage réel. C’est ce qui a lieu surtout par rapport aux plantes qui se sèment de bonne heure au printemps, et dont l’enfance est longue et laborieuse, parce que la végétation n’est pas encore activée par la chaleur du soleil. Cependant il n’y a pas à balancer, les herbes nuisibles, plus agrestes, se développent et prendront bientôt le dessus si on n’y porte un prompt remède. Le cultivateur qui sait saisir l’à-propos, et qui se trouvera sous l’impression des considérations que nous avons fait valoir en faveur de la destruction des végétaux parasites dans leur enfance, et de l’ameublissement du sol, ne reculera jamais devant la dépense d’un binage à la main en face d’une récolte sarclée qui se présenterait d’ailleurs sous des auspices favorables.

Ce premier binage n’est à proprement parler qu’un ratissage. Mais un inconvénient grave, qu’on n’avait pas encore cherché à écarter dans la construction des ratissoires, c’est qu’elles présentent une lame droite, d’une longueur invariable et qui oblige l’ouvrier à attaquer les plantes de front : quand celles-ci sont déjà vigoureuses, qu’elles ont poussé des racines ligneuses, elles cèdent et plient, de sorte que, souvent, au lieu de les couper, on est forcé de les arracher en faisant piquer l’instrument au-dessous de leurs racines, ce qui présente de grandes difficultés dans certaines natures de terres. Un autre désavantage qui résulte de ce mode de construction, c’est que la lame étant d’une longueur invariable, l’instrument ne peut fonctionner qu’autant que les rangées des plantes sont a une distance au moins égale à la longueur de la lame. Les binettes ordinaires présentent en outre un inconvénient inhérent à leur construction, c’est de forcer l’ouvrier à marcher sur le sol qu’il vient de pulvériser, et d’annuler en partie le succès de l’opération. Il faut donc, pour rendre ces instrumens plus parfaits, que la lame attaque les plantes d’une manière analogue à l’action qu’exerce la faux sur les foins ou la faucille sur les culmifères ; c’est-à-dire, que le tranchant prenne une direction oblique ou de biais ; il faut de plus que la lame puisse s’alonger à volonté, et que l’opérateur marche à reculons sur la terre qui n’est pas encore remuée.

La binette de M. Lecouteux (fig. 328) présente ces avantages réunis. Elle se compose d’un prisme de fer, une quenouille, tranchante sur ses 2 faces, fait corps avec la partie supérieure du prisme. Une cavité pratiquée dans ce prisme permet d’y insérer à la fois les branches coudées des deux lames, qui, par cette disposition, peuvent à volonté s’éloigner ou se rapprocher. L’assemblage est maintenu solide par un coin en fer. On peut adapter des lames latérales plus ou moins larges selon la distance qui existe entre les rangées. On a remarqué que quelques plantes s’échappent parfois entre la lame médiane et les tranchans latéraux. M. Bazin, qui, le premier, a employé cet instrument, a fait construire la partie inférieure des lames en forme de croissant, modification qui ne permet plus aux plantes de glisser ; l’opération s’exécute avec un succès marqué, et approche aussi près de la perfection qu’on peut le désirer. La ratissoire ou la binette de M. Lecouteux sera fort utile aux cultivateurs de plantes sarclées qui restent long-temps dans l’enfance, comme la carotte, le pavot semé en lignes. Dans cette circonstance, les plantes parasites ont déjà pris beaucoup de développement avant que les végétaux utiles puissent souffrir que la terre qu’ils occupent soit profondément remuée. L’instrument dont nous parlons détruit énergiquement les mauvaises herbes sans donner de secousses violentes aux plantes délicates qui doivent rester.

Au second binage, la terre qui se trouve autour des plantes peut être remuée, mais avec précaution si celles-ci sont encore faibles. Dans ce cas, on ne se sert pas de la houe à lame élargie, mais de celle dite triangulaire (voy. ci-dev., p, 166. fig. 173). Dans