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AGRICULTURE : ENSEMENCEMENS ET PLANTATIONS.

de cette façon dépend moins de l’habileté dans l’exécution que de la sagacité dans le choix du moment. Si la terre est humide, pâteuse, la herse bouleversera tout, et personne n’ignore que le terrain remué lorsqu’il est trop humide, n’en est que plus disposé par la suite à former croûte en se desséchant. Si l’on herse, au contraire, lorsque la sécheresse a déjà durci la surface, l’instrument ne pénétrera que difficilement et par saccades ; la terre s’enlèvera par masse et déracinera les plantes. Le cultivateur placé dans cette circonstance ne devra pas renoncer au bénéfice du hersage. En faisant auparavant passer le rouleau ordinaire, ou mieux le rouleau squelette de M. de Dombasle, la terre est brisée en petits fragmens, la herse pénètre sans peine et ameublit le sol qui n’est plus susceptible de s’enlever par plaques. Mais, pour obtenir un plein succès, il faut choisir le moment où la terre se réduit en poussière sous une faible pression et par le moindre choc, bien plutôt que par le déchirement de sa surface. Il faut pour cela un œil vigilant, un tact particulier. L’instant opportun est facile à saisir dans les terres argileuses, mais, dans les terres sablonneuses dites terres blanches, il n’en est pas de même ; la couche supérieure est déjà souvent trop desséchée lorsque la partie inférieure est encore trop humide. Pour les sols de cette nature, il n’y a souvent qu’un seul jour favorable au hersage, et ceux qui en cultivent de tels devront être aux aguets pour en profiter.

Un des grands avantages du hersage des céréales, c’est la production des talles. Le tallement est une sorte de marcotage qui n’a lieu qu’autant que les plantes sont butées avec une terre nouvelle. Tous les moyens qui peuvent rechausser les végétaux procurent ce résultat, mais aucun n’est plus économique ni plus expéditif que le hersage.


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§ ii. — Hersage des plantes sarclées.

Si quelques cultivateurs ont appréhendé que le hersage des céréales ne détruisit un trop grand nombre de plantes, à plus forte raison tremblera-t-on à la seule idée de voir une herse dans une pièce de betteraves, de colza, de navets, etc. Comme cet instrument marche un peu au hasard, on pourrait craindre qu’en somme le résultat ne fût pernicieux. Certainement, lorsque les plantes ont acquis une grande dimension, il serait difficile que la herse ne fonctionnât pas sans occasioner de très-grands dégâts. Il n’en est pas de même lorsqu’elles sont à leur première enfance. Il est prudent de se servir d’une herse dont les dents soient presque perpendiculaires au sol. Quand l’instrument a passé, le champ semble quelquefois ravagé : aussi les Belges disent proverbialement que « celui qui herse des navets ne doit pas regarder derrière lui. » Cette culture ne s’applique pas exclusivement aux plantes semées à la volée, elle agit d’une manière aussi efficace et aussi avantageuse sur celles qu’on a semées en lignes.

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§ iii. — Hersage des prairies.

Cette opération, si profitable aux prairies en général, et aux prairies artificielles en particulier, est encore inconnue de la plupart des cultivateurs français. Pourtant la proportion dans laquelle elle augmente le produit dans certains cas est à peine croyable. Elle a pour but, dans les prés naturels, de rechausser le gazon, de l’ouvrir aux influences de l’air, et par conséquent de le renouveler. En Allemagne, on ne se contente pas du hersage, on scarifie (voy. pour les Scarificateurs, ci-devant p. 203). Ce travail est utile surtout pour enlever la mousse et donner passage aux engrais qui pénètrent alors plus facilement dans la terre, et ne courent point le risque d’être entraînés par les eaux pluviales loin des lieux qu’ils devaient féconder. Le hersage produit sur les prairies artificielles un résultat absolument semblable, mais plus énergique ; de plus, il détache du sol les pierres qui s’y trouvaient enchâssées, et qui se fussent opposées à l’action de la faux. On les amasse ainsi avec la plus grande facilité et une économie notable. En Angleterre, on se sert pour cela d’un instrument spécial inventé par M. Baldwin (fig. 325) ; quoique destiné à la culture de la luzerne semée en lignes, il pourrait fonctionner avec avantage dans toutes les prairies artificielles. On pourrait croire que le déchirement des pieds de sainfoin, de luzerne, etc., amènera la mort des individus lésés ; il n’en est rien, la nature cherche constamment à réparer ses pertes, la sève afflue avec abondance vers la partie offensée, et la végétation se ranime.

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Art. ii.Du binage.

Ce que nous avons dit de l’efficacité de la pulvérisation du sol par le hersage s’applique avec bien plus de raison encore aux résultats obtenus par le binage. Généralement on est disposé à tomber dans 2 graves erreurs relativement à cette façon. La première c’est de croire qu’il n’est indispensable que lorsque la terre est couverte de mauvaises herbes ; la seconde, d’être persuadé que les résultats sont nuisibles aux récoltes, qu’on met le feu dans la terre, si on en ouvre le sein par un temps sec. L’opinion de Tull, de Cobbett et de quelques autres agronomes qui croient pouvoir attribuer toute la fertilité à l’aération du sol, milite contre la dernière de ces opinions, et la plus simple observation des phénomènes qui se passent sous nos