Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/174

Cette page a été validée par deux contributeurs.
160
liv. ier.
AGRICULTURE : FAÇONS GÉNÉRALES À DONNER AU SOL.

ment lieu quand on ramène tout-à-coup à la surface une masse considérable de tuf ou d’argile ocreuse. On en sait la raison, et, si l’on se rappelle ce qui a été dit ailleurs à ce sujet, on jugera qu’en pareil cas un défoncement profond serait une faute d’autant plus grave, que le temps seul pourrait remédier à ses désastreux effets, tandis qu’en opérant petit à petit et d’année en année, on arrive sans efforts et sans inconvéniens sensibles au même but. J’ai tout lieu, pour ma part, d’être partisan des défoncemens progressifs, parce que j’ai constamment vu que, lorsqu’on peut les faire à la charrue, ils exigent une faible augmentation de travail, et que la terre se mûrit convenablement sans cesser un instant d’être productive. Toutefois, il est des circonstances où les défoncemens complets sont seuls raisonnablement praticables. Tels sont, entre autres, ceux qu’on doit opérer à bras d’hommes ; car, en pareil cas, recommencer à deux ou trois fois une opération naturellement si coûteuse, ce serait à peu près doubler ou tripler la dépense. — On peut aussi approfondir la couche labourable, sans ramener immédiatement la terre neuve à la surface. Ce moyen, déjà indiqué à l’article Sous-sol (page 50), est généralement suivi de bons résultats.

[6:1:1:1]

§ ier. — De la profondeur des défoncemens.

La profondeur des défoncemens, comme celle des labours, doit varier en raison des cultures confiées au sol. Les racines de quelques graminées fourragères pénètrent tout au plus à quelques centimètres ; celles des blés s’accommodent, à la rigueur, de 5 à 6 po. (0m 135 à 0m 162) ; celles des navets, des raves, des carottes, etc., s’étendent davantage ; il est quelques betteraves qui acquièrent jusqu’à 15 et 18 po. (45 à 48 centimètres). Or, comme elles ne peuvent prendre tout leur accroissement que dans une terre ameublie, il est, je crois, suffisamment établi, par ce qui précède, que non seulement le défoncemens doit atteindre au moins une profondeur égale à leur plus grande longueur, mais qu’il est utile qu’il la dépasse. — Quant aux arbres qui pivotent quelquefois à plusieurs mètres, s’il est impossible de remplir pour eux les mêmes conditions, on trouvera toujours avantageux, sur de bonds fonds, d’en approcher le plus possible. On n’est pas assez généralement convaincu que leur avenir tout entier se ressent de cette première opération.

[6:1:1:2]

§ ii. — Des divers modes de défoncemens.

Les labours de défoncemens se font à bras d’hommes ou à la charrue.

i. Défoncemens à bras d’hommes.

D’après le premier mode, quels que soient les outils dont on se sert[1], on commence ordinairement par ouvrir, sur l’un des côtés du terrain, une tranchée longitudinale dont la profondeur, une fois fixée, règle celle du défoncemens entier, et dont la largeur, proportionnée à cette profondeur, doit être telle que l’ouvrier puisse travailler sans gêne au fond de la jauge. — On transporte les terres extraites à l’autre extrémité de la pièce, de manière à pouvoir combler le dernier vide, et on remplit successivement chacune des tranchées intermédiaires, en ouvrant celle qui fait suite, de manière que la terre de la superficie, rejetée la première, recouvre le sous-sol, tandis que celle des couches inférieures est ramenée vers la surface.

Dans les terrains de consistance moyenne on emploie avec avantage la pioche à deux dents (fig. 136), nommée dans quelques lieux Deux contenantsbicorne, au fer de laquelle on donne communément de 15 à 18 po. (0m 406 à 0m 487). — Avec cet outil, dont les dents pénètrent avec facilité et dont la partie opposée est acérée de manière à couper les racines qui se rencontrent accidentellement à sa portée, on détache de grosses mottes, qu’il est ensuite très-facile de briser en les frappant une seule fois de la douille, c’est-à-dire de la partie moyenne de l’outil qui sert à recevoir un manche de 2 pi.quelques pouces (0m 704 à 0m 758), et à le fixer au moyen d’un coin de fer ou de bois. — On rejette ensuite la terre ainsi divisée avec la pelle, et on continue de la même manière jusqu’à ce que la jauge ait atteint les dimensions en tous sens qu’on désire lui donner.

Le choix des pelles n’est pas indifférent. Deux contenantsPour quiconque a mis la main à l’œuvre, il est bien démontré que la première condition de ces outils, c’est de pouvoir pénétrer avec facilité dans la terre ou les pierrailles. — La légèreté vient ensuite. Sous le premier de ces rapports la pelle-bêche concave (fig. 137), qui est tout en fer et qui sert indistinctement aux travaux de labour et de terrasse, est sans contredit une des meilleures. Sous le second, il est évident qu’une pelle en bois simplement doublée de tôle à son extrémité (fig. 138) est préférable. — Cette dernière qualité doit l’emporter sur la première dans les terres faciles.

Les dimensions des pelles sont communément de 12 à 15 po. (0m 325 à 0m 406) de long sur une dizaine de pouces (0m 271) de large. — Le manche varie dans sa longueur, de 2 pi. (0m 704) à 1 mètre ; rarement il a plus de 2 pi. 6 po. (0m 812).

  1. Tous ceux figurés dans cette section peuvent être mesurés sur une échelle de 17 lignes pour 3 pieds (0m 043 pour 1 mètre.)