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chap. 5e.
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desséchement des marais.

inondées, je n’ai point oublié que la pratique éclaire bien plus que la théorie. Je me suis donc attaché à décrire des méthodes connues et pratiquées avec succès. J’ai voulu parler aux agronomes et aux cultivateurs de toutes les classes. J’ai voulu les faire participer aux avantages que les nouvelles méthodes ont procurés à ceux qui les ont adoptées en Flandre, en Hollande, en Allemagne, en Angleterre, en Amérique, etc. Heureux si, par le dessèchement de nos terres inondées et de nos marais infects et pestilentiels, nous pouvons enfin parvenir à en faire des campagnes fertiles comme on l’a fait dans ces différens pays ! Voilà le vrai point de grandeur et de prospérité ; voila les hautes destinées auxquelles la France est appelée et qu’il faut sans cesse avoir devant les yeux, disait, il y a trente ans, l’un de nos collègues, le bon et estimable Chassiron, en nous exposant son grand système de dessèchement !

Paris, 4 juillet 1834. — L. Héricart de Thury.

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§ v. — De la confection des fossés ouverts et couverts.

Le succès des opérations de dessèchement des terrains marécageux dépend en grande partie des soins qu’on apporte dans l’établissement des fossés ouverts ou couverts ; il est donc utile d’entrer à cet égard dans quelques détails particuliers de pratique.

Dans la confection des fossés ouverts il est très-essentiel d’en jeter la terre assez loin, non seulement pour qu’elle n’exerce pas sur les bords de ce fossé une pression nuisible, mais encore pour que, dans le cas assez fréquent où l’on serait obligé de rélargir ce fossé, la terre enlevée la première fois n’y apporte pas d’empêchement. Pour ces sortes de fossés, il ne suffit pas de les tracer et les creuser, il faut encore avoir soin de les curer et entretenir. Par conséquent il faut prévoir et calculer non seulement les frais d’établissement, mais encore ceux d’entretien, lesquels varient suivant les localités et les circonstances.

Dans tes terres composées de chaux ou de glaise tenace, les labours n’ont ordinairement lieu que très-superficiellement à cause de la difficulté du travail dans les sols de ce genre ; il en résulte que la couche inférieure se durcit fortement, de sorte qu’elle ne laisse point écouler l’eau de la couche supérieure, et que lorsque les pluies viennent en ajouter une nouvelle quantité, la terre se trouve transformée en une espèce de bouillie, état très-nuisible aux plantes, qui occasione la putréfaction de leurs racines et par conséquent leur mort. — Dans ces cas on ne doit pas pratiquer de fossés couverts, car ces tranchées étant recouvertes de 9 à 10 pouces de terre au moins, cette couche de terre est trop épaisse pour que l’eau puisse passer au travers et pénétrer dans la coulisse. C’est pour ne pas avoir tenu compte de ces circonstances qu’on a quelquefois accusé les tranchées souterraines de ne pas produire d’effets ou de n’avoir qu’une très-courte durée, parce que la terre dont on les avait recouvertes, quoique meuble alors, n’avait pas tardé à se durcir et à former au-dessus de la tranchée une masse imperméable. Les tranchées ouvertes sont dont alors préférables, et lorsqu’on y a recours, on leur donne la direction où la pente est la plus sensible, c’est-à-dire celle qui conduit plus promptement l’eau dans le lieu où elle doit arriver.

Dans les pentes des montagnes on rencontre quelque fois des portions de terrains marécageuses, superposées les unes aux autres, parce que les inflexions ou concavités des roches ou des couches d’argile retiennent les eaux à différentes hauteurs. Dans ces situations, lorsque quelques coupures dans le sol (fig. 106) sembleraient devoir débarrasser facilement des eaux, il peut arriver qu’on ne fasse que les reporter un peu plus bas ; il est donc préférable de faire courir les eaux à la surface ou de les faire plonger par un trou de sonde au-dessous du banc d’argile le plus inférieur.

Les tranchées souterraines, pour produire leur effet, ne doivent jamais être disposées dans le sens de la pente du terrain, parce qu’elles ne rassembleraient pas toutes les eaux qui découleraient du sol ; elles doivent au contraire couper cette pente transversalement. Cependant elles doivent, dans cette direction, avoir une légère inclinaison vers le point où l’eau a son écoulement ; mais cette inclinaison ne doit pas aller au-delà d’un pouce sur 10 mètres, autrement elles pourraient facilement se combler. — La meilleure issue à donner à ces tranchées souterraines, c’est dans un fossé ou canal d’écoulement qu’on garnit de pieux afin qu’il ne s’éboule pas. Quelquefois on réunit plusieurs coulisses dans une seule ; mais cette pratique est à éviter autant que possible, parce qu’il n’est pas rare que les rigoles se bouchent et qu’alors on ne découvre pas facilement où est le mal.

On donne aux tranchées souterraines des profondeurs variées : si, sous une couche de terrain poreux, il s’en trouve une imperméable, il faut pénétrer jusqu’à celle-ci et y creuser le canal dans lequel l’eau doit couler ; si au contraire la couche de terre argileuse a peu d’épaisseur, il suffit que la tranchée soit recouverte d’un pied de terre ou même seulement de 10 pouces, lorsque la terre qui est à la surface du sol est passablement tenace ; bien entendu, cependant, que le labour ne doive pas excéder 6 pouces de profondeur. Dans les terres légères et meubles, il faut quelquefois que la tranchée soit recouverte de 18 et même de 24 pouces de terre. Quant à la partie de la tranchée qui est destinée au passage de l’eau, il suffit qu’elle ait de 9 à 10 pouces de hauteur et une largeur souvent fort peu considérable. Cela dépend au reste de la nature des matériaux : si la tranchée doit être garnie avec des pierres brutes, on peut lui donner jusqu’à 16 pouces à sa sommité et 10 au bas ; si on doit