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chap. 4e.
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PRIX ET EFFETS COMPARÉS DES DIVERS ENGRAIS.

des différens engrais, elle n’est pas moins indispensable à la solution définitive du problème suivant : Quels sont pour chaque localité les modes de fumure le plus économiques ? en prenant toutefois en considération les effets secondaires comme amendemens. Nous ne pouvons citer à cet égard de meilleur exemple à suivre que le mode d’expérimentation publié tout récemment par l’un de nos meilleurs agronomes. (Annales de Grignon, 5e liv.)

En 1832, M. Bella avait déjà fait des expériences comparatives sur le noir animalisé et la poudrette appliqués à des semis d’avoine avec lupuline, et reconnu que l’avantage restait au noir animalisé, bien qu’il eût choisi la meilleure qualité de poudrette. Toutefois, les résultats n’ayant pas été traduits en chiffres, des expériences plus variées furent reprises en 1833.

La pièce fut divisée en sept parties, comme le montre la figure 60.

Toutes les sections furent ensemencées en froment ; pour chacune d’elles, les quantités suivantes d’engrais y avaient été employées par arpent :

Le No 1, après un colza, fumé avec 18,000 kil. fumier.

No 2, déjà amélioré par un engrais vert avorté, reçut 6 hect. poudrette.

No 3 ne reçut que 5 hect. 37 noir animalisé.

No 4 reçut 6 hect. de poudrette ; il avait été parqué en 1829 à raison d’un mouton par 64 décim. carrés, tandis que le reste de la pièce n’avait eu ni fumier ni parcage depuis 1826.

No 5, fumé avec 6 hect. noir animalisé.

No 6, fumé avec 5 hect. 27 poudrette.

No 7 reçut 4 hect. 44 de noir animalisé.

La poudrette employée dans ces expériences avait été choisie de 1re qualité ; le noir animalisé sortait de la fabrique de MM. Salmon, Payen et Lupé.

Tableau des quantités d’engrais employés, nombre des gerbes, poids de la paille et des grains récoltés, par arpent :

Numéros. engrais. gerbes. paille. grains
hectol. kilog.
1. Fumiers 
228 1662 10,45
812
2. Poudrette 
5 37 288 2240 10,80
912
3. Noir 
5 37 312 2192
13,
1040
4. Poudrette 
6 » 252 2284 12,27
903
5. Noir 
6 » 252 2284 12,91
1008
6. Poudrette 
5 27 324 2416 12,54
1053
7. Noir 
4 44 252 1837 9,55
787

M. Bella ajoute les observations suivantes : « On voit que le noir animalisé produit, à quantités égales, plus de grain et moins de paille que la poudrette. Il paraîtrait en résulter que le noir serait d’une plus longue durée que la poudrette ; car les engrais moins durables produisent toujours un plus grand développement herbacé.»

Prenant la moyenne des produits, on trouve : 1 hect. de grain exige 40 lit. de noir et 48 lit. 5 de poudrette ; 100 kil. de paille exigent 26 lit. de noir et 24,75 de poudrette.

Si l’on porte le noir et la poudrette à 5 fr. l’hect., le froment à 16 fr. l’hect. et la paille à 2 fr. les 100 kil., on trouve : 1 hect. noir à 6 fr. produit 2 hect. 24 lit.de froment ou 35 fr. 84 c, plus 400 kil. de paille ou 8 f. ; total, 43 f. 84 c. : 1 hect. poudrette à 5 fr. donne 2 hect. 6 lit. de froment ou 32 f. 96 c, plus 402 kil. de paille ou 8 fr. 2 c ; total, 41 fr. Il reste donc en faveur du noir animalisé 2 fr. 84 c. par hectolitre[1].

On peut remarquer encore que, si l’on déduit la valeur de l’excédant de produit, 2 fr. 84 c, du prix coûtant du noir, 5 fr., il restera 2 fr. 16 c. pour prix de revient de cet engrais, tandis que, à produit égal, l’engrais en poudrette coûtant 5 fr. reviendrait à un prix plus que double. La durée du noir étant d’ailleurs plus longue, puisque sa décomposition est moins rapide, il reste plus de cette fumure dans le sol pour la culture suivante. Enfin, le fonds doit être plus amélioré par le résidu charbonneux en poudre fine et absorbante non décomposée.

[4:4:3]

§ iii. — Détermination de la proportion d’engrais contenue dans divers mélanges.

Il est souvent utile aux agronomes, pour fixer les prix d’achat ou de transport qu’ils y peuvent mettre, de connaître approximativement la proportion d’engrais que représentent divers mélanges de détritus végétaux et animaux, tels qu’ils se rencontrent dans les boues des villes, la vase des étangs, mares, fossés, etc.

La valeur relative de ces sortes de composts est proportionnée à la quantité de matière organique y contenue, et celle-ci peut être déterminée par la calcination ou l’incinération d’un échantillon bien desséché : la perte en poids indiquerait approximativement cette quantité, qui aurait d’autant plus d’effet utile qu’elle serait plus azotée. Le procédé pour déterminer l’azote ne serait pas à la portée de la plupart des agriculteurs ; mais on peut considérer généralement la perte en poids par l’incinération comme représentant une égale quantité du meilleur fumier supposé sec ; on obtiendrait donc ainsi une approximation suffisante. Supposons, par exemple, qu’après avoir fait dessécher fortement la vase, on en prenne 100 grammes ; qu’alors on fasse brûler ceux-ci dans une capsule en platine, en fer ou en fonte chauffés au rouge, et en remuant, à l’aide d’une tige métallique, jusqu’à ce qu’il ne

  1. M. Bella termine en annonçant de nouvelles expériences pour l’année prochaine ; car l’influence atmosphérique est si grande que l’on ne saurait trop multiplier les essais avant d’avancer des résultats comme incontestables.