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liv. ier.
AGRICULTURE : ENGRAIS.

ports combinés de leur prix coûtant et de leurs effets, serait sans doute chose impossible ; car les nombreux élémens de ce calcul sont tous très-variables. Ainsi, le prix coûtant des engrais varie avec ceux des transports, qui dépendent des distances, des relations commerciales, des saisons, de l’état des chemins, de la proportion d’eau qu’ils recèlent.

Les fumiers des écuries sont, dans les grandes villes surtout, un produit très-secondaire. Ainsi, le lait des vaches et la force motrice des chevaux y laissent un bénéfice suffisant pour que leurs fumiers y soient de peu d’importance ; mais, en compensation, les terres en culture étant éloignées, les frais de transport sont plus considérables.

La question change dans les exploitations agricoles : là, le prix moins élevé du lait ou de ses produits, une plus grande proximité des terres arables, peut faire considérer les bestiaux comme un moyen d’obtenir des engrais qui multiplient les produits des diverses cultures ; et, considérant le fumier comme l’objet important de la production des bestiaux, il convient de résumer sur lui la balance des dépenses et recettes.

La fixation de la valeur des fumiers est difficile. On peut dire toutefois que celui qui contient le moins de litière est le meilleur. On a donc un double intérêt à faire passer le plus possible de paille en nourriture.

Quant à l’estimation des quantités, elle devrait être faite au poids, qui varie bien moins que le volume. En effet, un hectolitre de fumier contenant beaucoup de paille ne pèse, même tassé, que 50 à 60 kilos ; tandis que, quand la proportion de litière a été très-faible, le même volume peut représenter un poids de 110 à 115 kilogrammes.

On obtiendrait une approximation plus exacte encore en comptant seulement l’équivalent à l’état sec. Ainsi, après avoir reconnu que l’hectolitre pèse 100 kilos, on en ferait dessécher, en l’étalant au soleil ou sur un poêle, un kilogramme, et, s’il perdait 400 grammes ou 40 p. 0/0, on ne compterait l’hectolitre que pour 60 kilogrammes. Il conviendrait d’ailleurs ensuite de cuber les tas équarris ou les voitures, et de multiplier par 60 le nombre d’hectolitres, ou par 600 le nombre de mètres cubes.

Nous croyons devoir citer ici, comme exemple d’une comptabilité de ce genre (établie, à la vérité, sur le fumier humide), celle que vient de publier, dans le dernier numéro du Cultivateur, M. le comte d’Angeville, propriétaire à Lompnès, dans les montagnes du département de l’Ain.

Produit annuel d’une vache, sur une moyenne de 35 têtes à l’étable.
1° 915 lit. de lait donnant.
89 kil. fromage Gruyère 
85 44
22 kil. idem, 2e qualité 
6 60
2o Valeur de la cuite 
1 »
3o Veau (vendu à 8 jours parce qu’il consommerait trop de lait) 
5 »
4o Travail : 6,136 heures à 10 c. Pour 35 vaches
        — 613,60 : par tête — 
17 53
Produit d’une vache, moins le fumier 
115 57


Dépense annuelle pour une vache.
1o Fourrage, 2300 kil. à 4 fr. 
92 fr. »
2o Paille, 50 kil. (pour litière) 
2 »
3o Intérêts de la valeur à 5 pour % par chaque tête, à 100 fr 
5 »
— à 10 pour % pour menus frais des écuries, dépérissemens, maladies 
10 »
4o Taureau à 150 f. pour 50 vaches ; pour une 
3 »
5o Vachers, 2 pour 35 vaches ; gages 200 fr. ou par tête 
5 71
— nourriture, 394 fr. 20 c., ou par tête 
10 »
6o Frais de fabrication du fromage, 10 f. par 100 kil. ou pour 89 kil. 
11 26
7o Loyers : vacherie et grange contenant les approvisionnemens,
        200 fr. ou par tête 
5 71
8o Intérêts du capital pour les ustensiles de la fruitière, constructions
        de caves à fromage, rayons, laiterie, chaudières
                560 fr. à 5 p. %
560 fr. à 10 p. %
84 fr. pour 65 vaches,
ou par chaque tête. 
1 29
Total de la dépense annuelle 
144 87
Total de la recette 
115 57
Différence ou prix coûtant du fumier 
29 30


La moyenne du fumier produit par toutes les vaches étant à la quantité de fourrage consommé comme 216 est à 100, les 2,350 kilos de foin que consomme chaque vache donnent 5,070 kilos de fumier, qui coûtent 20 fr. 30 c. — D’où l’on voit que 100 kilos du fumier produit par les vaches mises en fruitière, coûtent 58 centimes.

Mais les vaches n’étant pas ordinairement attelées, il convient de retrancher, pour ce cas plus général, le prix du travail, porté ci-dessus à 17 fr. 53 c, et de le remplacer par la valeur du lait, que de nombreux essais font estimer au quart de la valeur du travail, c’est-à-dire à 4 fr. 38 c. Il en résulte que la somme du produit ne sera plus que 102 f. 42 c., la dépense étant la même, ou 144 fr. 87 c ; la différence sera 42 fr. 45 c. pour le prix coûtant des 5,070 kilos de fumier. D’où l’on tire, pour le prix coûtant de 100 kilos de fumier, 84 centimes.

Si les agriculteurs calculent exactement tous les frais de leurs exploitations, ils verront que le fumier leur revient au moins à ce prix ; et cela explique l’empressement que beaucoup d’entre eux mettent à rechercher les fumiers qu’on se procure de la moitié au tiers de ce prix dans les villes, lorsqu’ils y portent leurs denrées et peuvent compter pour peu de chose les transports opérés en retour.

On pourrait augmenter la quantité de paille employée à faire la litière, afin d’augmenter le poids du fumier ; mais elle donnerait au plus le double de son poids de fumier, qui couterait alors plus de 84 cent, les 100 kilos, et serait de moins bonne qualité.

Il serait à désirer que l’on fit le compte du prix de revient des fumiers, comparé à l’effet, pour les divers animaux qui consomment le fourrage, dans chaque localité : c’est un travail utile à tous les propriétaires, dont nous avons voulu seulement citer un exemple.

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§ ii. — Détermination des effets des engrais.

Quant à la comparaison entre les effets