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Agriculture : engrais.

mes de sang sec ont eu plusieurs fois une influence défavorable sur la végétation, et cependant ils augmentèrent sans addition d’engrais les produits d’une récolte suivante. Ces observations ont déterminé quelques agriculteurs à laisser une 1re  fermentation s’établir dans ces résidus avant de les répandre sur leurs terres. En cherchant quels pouvaient être les effets de cette 1re  réaction spontanée pour ceux de ces résidus que l’on disait être trop chauds, j’y reconnus la présence de 5 à 10 centièmes de sucre altéré, qui donnait lieu à une abondante production d’alcool et d’acide carbonique, puis d’acide acétique et hydro-sulfurique ; à ces 1ers produits succédèrent, bien plus lentement dégagés, du carbonate, de l’acétate d’ammoniaque, et tous les résultats de la décomposition des substances azotées : à dater de cette époque, l’influence de l’engrais dans diverses expériences a constamment été évidemment très-favorable sur la végétation. Dès-lors il me parut probable que les altérations du sucre pouvaient seules exercer l’influence défavorable observée. En effet, dans une série de faits spéciaux, tous les mélanges, en diverses proportions, d’alcool et d’acide acétique avec le charbon, ont toujours été nuisibles aux progrès de la végétation, et d’autant plus que la proportion d’acide fut plus forte. Voulant savoir si ces phénomènes étaient indépendans de l’influence du charbon, et s’ils auraient lieu en présence des produits liquides azotés comme des débris solides des animaux, j’abandonnai en vase clos et en vases ouverts des mélanges de sucre : 1o  jusqu’à saturation dans de l’albumine battue ; 2o  dans l’albumine étendue de parties égales d’eau ; 3o  dans des œufs divisés, sans en rien séparer, tels qu’on les emploie dans les clarifications ; 4o  dans du suc exprimé de la chair musculaire, et enfin dans le même liquide contenant des lambeaux de chair. — Tous ces mélanges, pendant 2 ans, éprouvèrent plus ou moins lentement des réactions qui produisirent de l’alcool, de l’acide carbonique, puis de l’acide acétique et des traces d’hydrogène sulfuré. Les morceaux de chair bien lavés n’avaient sensiblement rien perdu de leurs principes constituans ni de leurs propriétés. Il était donc évident que la présence du sucre dans les résidus employés avait occasioné les réactions défavorables ; que celles-ci devaient avoir lieu en quelque état que fût la substance azotée, et qu’il était utile d’éliminer le sucre, soit par des lavages, soit par une légère fermentation, en ne laissant ainsi au sang coagulé interposé dans la matière charbonneuse que son action utile ; qu’enfin un essai préliminaire très-facile, consistant dans un simple lavage du noir sur un petit filtre, permettrait de reconnaître la présence du sucre, et en conséquence l’utilité des précautions précitées, ou enfin l’inopportunité de celles-ci lorsque les lavages ont été convenablement opérés dans les raffineries[1].

D’autres essais démontrent que le charbon peut être utile non seulement pour faire durer plus long-temps et augmenter ainsi l’effet du sang, mais encore qu’il peut servir d’agent intermédiaire en absorbant les gaz et la chaleur, et les transmettant ensuite aux plantes. En effet, si l’on fait germer et végéter plusieurs plantes, comparativement, dans deux vases contenant du charbon en poudre épuré, arrosé chaque jour avec de l’eau pure, que l’on ajoute à l’un tous les jours 1/100 de ce charbon, et à l’autre autant du même charbon imprégné des gaz qui se dégagent par la fermentation spontanée des matières animales ; dans ce dernier vase la végétation sera très-belle, tandis que dans l’autre elle restera faible et languissante.

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§ ix. — Fabrication des engrais désinfectés.

Une des découvertes les plus importantes dans les annales industrielles offrit alors à l’agriculture, à la salubrité publique, de nouveaux faits à enregistrer, vint affermir le système des engrais non altérés, et ajouter une démonstration directe de l’utilité de la désinfection, au lieu de la putréfaction préalable.

Le résidu charbonneux, sorti des raffineries, ne suffisait déjà plus aux besoins de l’agriculture, lorsque M. Salmon imagina de fabriquer de toutes pièces un engrais analogue plus efficace encore, et surtout plus constant dans ses effets. Il y parvint en mélangeant divers détritus organiques azotés, dans un grand état de division, avec une terre rendue éminemment poreuse, charbonneuse et absorbante, par une calcination en vase clos.

Pour faire bien apprécier l’immense avantage de conserver ainsi, par ce moyen breveté, aux détritus organiques employés comme engrais, toutes leurs parties altérables, loin d’en laisser préalablement dissiper la plus grande partie dans l’atmosphère, il suffira de faire remarquer que le nouvel engrais, connu sous le nom de noir animalisé, représente un effet utile au moins décuple de celui que l’on obtiendrait d’une masse égale de matière fécale, par exemple, lentement desséchée selon les procédés usuels. Les résultats discutés d’une fabrication journalière d’environ 300 hectolitres près de Paris, et les données recueillies par nos agronomes les plus distingués sur de vastes étendues de terres en culture, ne peuvent laisser aucun doute à cet égard ; déjà des traités conclus dans des villes populeuses assurent l’extension de cette production d’engrais non consommés.

Nous avons vu que la dessiccation de la matière fécale donne lieu depuis des temps reculés à de grandes exploitations près des villes ; que cette dessiccation s’effectue par intervalles irréguliers entre les saisons pluvieuses ou humides. La poudrette obtenue en définitive est donc le résidu d’une altération de plusieurs années, durant lesquelles la plus grande partie des principes assimilables exhalés dans l’atmosphère, ont laissé en excès toutes les matières terreuses inertes et celles qui sont le moins altérables.

  1. M.  Dutrochet a observé que le sucre même dissous dans l’eau, mis en contact avec les spongioles des racines, fait périr les plantes très-promptement.