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chap. 4e.
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DES DIFFÉRENS ENGRAIS.

mie ne fasse proscrire entièrement l’emploi de l’huile comme engrais.

D’après tout ce que j’ai lu et ce que j’ai vu, particulièrement dans le Nord, je regarde les tourteaux oléagineux comme un excellent engrais. Toutefois, la note suivante de notre collègue Vilmorin, dont la riche expérience a été déjà tant de fois utile à l’agriculture française, engagera le lecteur à ne pas les employer, dans tous les cas, sans quelques essais préalables.

Oscar Leclerc-Thoüin.

Quoique l’efficacité, comme engrais, des tourteaux de graines oléagineuses, soit tellement prouvée par une longue expérience, en Flandre, en Belgique et en Angleterre, qu’on ne puisse la révoquer en doute, il est cependant certain que leur emploi, en poudre et à sec, présente quelquefois des exceptions fort étranges, jusqu’au point de produire des effets destructifs de la végétation. Voici ce que j’ai éprouvé à cet égard :

En septembre 1824, voulant faire, sur une terre très-calcaire et maigre, l’essai comparatif de divers engrais et amendemens pulvérulens, je fis diviser en cinq bandes égales une pièce d’un demi-hectare qui allait être semée en trèfle incarnat, et chacune d’elles reçut, immédiatement après la semence, l’engrais qui lui était destiné : 1o poudrette ; 2o marc de colza ; 3o urate ; 4o chrysolin (engrais que fabriquait alors mon ami le docteur Ranque, d’Orléans) ; 5o cendres de tourbe. La semence et les amendemens furent enterrés par le même hersage. Les bandes 1, 3, 4 et 5 levèrent parfaitement ; mais la deuxième, qui avait reçu la poudre de colza, resta absolument nue : rien n’y parut, qu’une faible plante çà et là ; enfin c’était comme une allée entre deux pelouses bien vertes. Le tourteau avait été employé sur le pied de 1,000 kilogrammes à l’hectare, quantité indiquée par tous les ouvrages que j’avais consultés et que des cultivateurs flamands m’avaient également donnée comme convenable.

Une autre pièce de 75 ares, semée en vesces d’hiver et en pois gris d’hiver, et traitée de la même manière, présenta absolument les mêmes résultats ; ces deux graines levèrent très-bien sur toute la pièce, excepté sur les deux bandes amendées avec la poudre de tourteau. Les pois et les vesces, examinés peu de temps après, avaient, en général, leur germe sorti ; mais il était noirci, retrait, et les graines semblaient brûlées comme si elles eussent passé par le feu. La quantité avait été la même que dans l’essai précédent, et je ne pense pas qu’il ait pu y avoir d’erreur : j’avais fait peser et ensacher devant moi les doses destinées pour chaque bande, chaque sac était étiqueté et la semaille avait été faite par un homme intelligent, sachant lire, et accoutumé à des expériences minutieuses.

Dans les années subséquentes, j’ai plusieurs fois essayé le marc de colza, au printemps, sur des céréales fatiguées et dans des terrains silico-argileux tout-à-fait différens du précédent ; je l’ai vu, dans toutes ces épreuves, produire des effets plus ou moins nuisibles : sur les portions de champ ainsi traitées, les plantes ont, en général, dépéri au lieu de se remettre ; là où le hersage avait laissé une traînée ou quelques parcelles de colza à découvert, on trouvait celles-ci couvertes de moisissure. Une dernière tentative que j’ai faite en 1833, à moitié dose, c’est-à-dire à raison de 500 kil. seulement, avec du tourteau de graine de radis, sur un hectare d’avoine en herbe, a également produit de mauvais effets assez marqués. — Quoique je ne puisse me rendre compte de résultats si opposés à ceux que l’on dit avoir lieu partout ailleurs, il m’a paru cependant essentiel de les faire connaître, pour appeler l’attention des observateurs et des praticiens sur les effets de la poudre de tourteaux employée à sec et sans mélange. Cela peut être d’autant plus utile, qu’aucun des ouvrages modernes que j’ai consultés ne fait mention de rien de semblable. C’est dans Duhamel seulement, qu’à force de chercher, j’ai trouvé une indication confirmative de mes observations et un moyen de prévenir des accidens tels que ceux que j’ai éprouvés (du moins pour l’emploi au moment de la semaille). Dans les Élémens d’agriculture de cet auteur, t. 1, p. 193, il est dit que « le marc des graines oléagineuses doit être répandu 10 à 12 jours avant de semer le grain » sans cela, ajoute M. Van Eslande, de qui Duhamel tenait ces notes, « les graines qui s’envelopperaient de cette poudre, avant qu’elle eût éprouvé l’action du soleil, ne germeraient point. » Depuis, j’ai su de M. M. A. Puvis, de Bourg, savant aussi distingué que bon agronome, que dans le département de l’Ain, où les cultivateurs emploient habituellement les marcs de graines grasses pour l’amendement des chenevières, ils ont soin de répandre et herser cet engrais environ 15 jours avant de semer le chanvre. Vilmorin.

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§ ii. — Des plantes aquatiques.
i. Engrais produits par les herbes d’eau douce.

Parmi les herbes qui croissent dans les eaux douces, il faut distinguer, eu égard à leur emploi comme engrais, celles qui, en se décomposant sous l’eau, ont donné naissance à de la tourbe, et celles qu’on arrache encore vertes pour les utiliser dans cet état à la fertilisation du sol.

La tourbe, dont il a déjà été parlé en traitant des terrains tourbeux, semblable en cela à toutes les substances organiques et inorganiques qui ont été long-temps soustraites au contact immédiat des gaz atmosphériques, est d’abord complètement impropre à la végétation. À mesure qu’elle éprouve une seconde décomposition sous l’influence de l’oxigène de l’air, elle devient un bon engrais ; mais cet effet est d’une lenteur excessive ; aussi préfère-t-on généralement la faire brûler pour en répandre les cendres (V. [[ Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/88 |Chap. Amendemens, p. 74]]) que de l’utiliser directement. Dans maintes circonstances, cependant, il peut être désirable de s’en servir pour augmenter la masse des fumiers. — On y parvient de différentes manières.

En Irlande, après l’avoir simplement desséchée et pulvérisée, on l’emploie plus tard