Page:Mairet - Marca.djvu/282

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je vais chercher de l’ouvrage, dit-elle. Mais elle trébucha en sortant ; elle était très faible. Le matin, de bonne heure, elle n’avait mangé qu’une bouchée de pain restée de la veille ; depuis, elle ne sentait pas la faim, seulement elle tremblait fort.

La nuit venait, et elle continuait encore son triste pèlerinage ; on lui faisait toujours la même réponse : la saison de grande vente était passée ; on n’avait pas de travail à donner en ce moment. Elle allait toujours ; les pensées se brouillaient dans sa tête ; elle se sentait très malade. Enfin, n’en pouvant plus, elle s’assit sur un banc du boulevard.

C’était l’heure du dîner ; elle se trouvait en face d’un grand restaurant ; des bouffées lui venaient par un soupirail des cuisines au sous-sol. À travers les larges glaces du restaurant, elle voyait de petites tables bien servies ; la serviette raide et luisante pliée savamment sur chaque assiette, cachant à demi un petit pain doré ; des hors-d’œuvre, sur leurs raviers, étaient rangés coquettement ; des garçons affairés allaient et venaient ; peu à peu les dîneurs prenaient possession des petites tables et dépliaient les serviettes. Elle suivait cela des yeux, le mieux qu’elle pouvait, à travers les fenêtres, y prenant un intérêt poignant ; les pains dorés surtout la tentaient. Elle était incapable de raisonner, la tête lui tournait trop pour cela, et des nuages rouges lui