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Parisienne, car elle ne mangeait pas les dernières lettres des syllabes.

— Une pauvre petite ouvrière que j’ai ramassée par terre : on me fait dire qu’elle vient d’accoucher d’une fille et qu’elle ne survivra pas ; elle avait souffert trop de privations depuis des mois ; elle a seize ans, et c’est un beau monsieur, qui porte des fourrures, qui l’a séduite. Vous voyez, c’est une histoire bien commune ; ça se voit tous les jours ; puis elle me le disait bien elle-même : « J’aurais dû me garder. »

Et elle imitait le ton un peu nasillard, l’accent des environs de Paris. Véra était née actrice ; elle avait débité son petit discours très simplement sans élever la voix, sans faire un geste.

Tout ce monde en toilette, venu pour s’amuser, se regardait, mal à l’aise.

— Est-ce une souscription que vous nous demandez, ma chère ? fit la grosse Amélie.

— Moi ! Je ne demande rien ; c’est une petite histoire que je vous raconte, voilà tout.

— Elle manque un peu de gaieté, votre histoire, avouez-le… après dîner il est sain de rire, dit-on.

— Les histoires vraies manquent quelquefois de gaieté. Mais, vous avez raison, ma chère Amélie, j’aurais dû garder celle-ci pour moi.

— Que comptez-vous faire, chère amie ? demanda le baron, qui rayonnait. Sa femme était un