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CHAPITRE II


On avait fort bien dîné ; une certaine satisfaction béate rayonnait sur les visages un peu rouges des femmes, rassemblées dans le boudoir de la baronne Véra. Les hommes, conduits au fumoir, ne se pressaient pas de venir les y rejoindre. Les salons fort éclairés, qu’on voyait en enfilade à travers les draperies d’un bleu argenté des portières, attendaient la foule qui, plus tard, devait les envahir. C’était le moment difficile pour « l’aventurière » ; tous les quinze jours, ce moment se représentait, et il lui en restait invariablement un sentiment de lassitude et d’ennui. Tant qu’elle se trouvait entourée d’hommes, tout allait pour le mieux : elle n’était pas très belle, et n’avait pas ce qu’on est convenu d’appeler, dans les salons, de l’esprit, ce qui n’est le plus souvent qu’une facilité à laisser couler des flots de paroles, à donner un tour un peu piquant aux banalités qui courent le monde ; elle était au contraire volontiers silencieuse, un peu dédaigneuse, très froide. Ce-