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III
PRÉFACE

production personnelle et, pour ainsi dire, création de l’auteur, la découverte scientifique est, le plus souvent, œuvre collective.

D’une vérité mathématique ou physique, le mathématicien ou le physicien hésite à nommer l’auteur, parce qu’il sent confusément qu’en le nommant, il va commettre une sorte d’injustice, qu’il va faire tort à tous ceux qui, directement ou indirectement, ont collaboré avec cet inventeur ; et, bien souvent, ces collaborateurs sont légion.

Voici venir, d’abord, la longue suite des précurseurs.

Aucune découverte scientifique n’est une création ex nihilo ; elle est essentiellement composition, combinaison d’éléments qui, déjà, préexistaient, mais qui s’organisent suivant un plan nouveau ; de ces éléments, il en est qui sont connus depuis fort longtemps, en sorte qu’il faut remonter très haut dans le passé pour en observer la toute première génération ; puis, une graduelle descente nous en fait suivre les lentes transformations jusqu’au moment où, pleinement développés, ces éléments sont prêts à se rejoindre, à s’unir, à constituer une doctrine nouvelle. Nombreux sont ceux qui, peu à peu, ont préparé cette doctrine ; ils n’en avaient aucune connaissance, ils ne la prévoyaient pas, même d’une manière confuse ; et, cependant, sans leurs efforts, elle n’aurait pu naître.

Lorsque les précurseurs, par un labeur peut-être séculaire, ont taillé les matériaux de l’édifice et les ont amenés à pied d’œuvre, l’inventeur parait qui les assemble ; mais ce nom, l’inventeur ne désigne pas toujours une personne unique ; il lui faut attribuer, parfois, un sens collectif ; à plusieurs hommes qui ne se connaissaient pas, que séparaient la distance et le langage, la même pensée a pu se présenter presque en môme temps, en sorte que l’on ne puisse raisonnablement attribuer à l’un d’eux la priorité sur les autres.

Lors même que la découverte d’une vérité nouvelle est l’œuvre d’un seul, cette vérité ne demeure pas longtemps propriété privée ; à peine l’inventeur l’a-t-il publiée qu’elle devient le champ commun que tous ont le droit de cultiver. De nombreux travailleurs se présentent, qui retournent en tout sens la terre de ce champ, qui livrent à la discussion la proposition nouvellement formulée ; les uns s’attachent à la développer, à l’accroître, à lui faire produire d’abondantes conséquences ; les autres