production personnelle et, pour ainsi dire, création de l’auteur, la découverte scientifique est, le plus souvent, œuvre collective.
D’une vérité mathématique ou physique, le mathématicien ou le physicien hésite à nommer l’auteur, parce qu’il sent confusément qu’en le nommant, il va commettre une sorte d’injustice, qu’il va faire tort à tous ceux qui, directement ou indirectement, ont collaboré avec cet inventeur ; et, bien souvent, ces collaborateurs sont légion.
Voici venir, d’abord, la longue suite des précurseurs.
Aucune découverte scientifique n’est une création ex nihilo ; elle est essentiellement composition, combinaison d’éléments qui, déjà, préexistaient, mais qui s’organisent suivant un plan nouveau ; de ces éléments, il en est qui sont connus depuis fort longtemps, en sorte qu’il faut remonter très haut dans le passé pour en observer la toute première génération ; puis, une graduelle descente nous en fait suivre les lentes transformations jusqu’au moment où, pleinement développés, ces éléments sont prêts à se rejoindre, à s’unir, à constituer une doctrine nouvelle. Nombreux sont ceux qui, peu à peu, ont préparé cette doctrine ; ils n’en avaient aucune connaissance, ils ne la prévoyaient pas, même d’une manière confuse ; et, cependant, sans leurs efforts, elle n’aurait pu naître.
Lorsque les précurseurs, par un labeur peut-être séculaire, ont taillé les matériaux de l’édifice et les ont amenés à pied d’œuvre, l’inventeur parait qui les assemble ; mais ce nom, l’inventeur ne désigne pas toujours une personne unique ; il lui faut attribuer, parfois, un sens collectif ; à plusieurs hommes qui ne se connaissaient pas, que séparaient la distance et le langage, la même pensée a pu se présenter presque en môme temps, en sorte que l’on ne puisse raisonnablement attribuer à l’un d’eux la priorité sur les autres.
Lors même que la découverte d’une vérité nouvelle est l’œuvre d’un seul, cette vérité ne demeure pas longtemps propriété privée ; à peine l’inventeur l’a-t-il publiée qu’elle devient le champ commun que tous ont le droit de cultiver. De nombreux travailleurs se présentent, qui retournent en tout sens la terre de ce champ, qui livrent à la discussion la proposition nouvellement formulée ; les uns s’attachent à la développer, à l’accroître, à lui faire produire d’abondantes conséquences ; les autres