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PRÉFACE


Entre une découverte scientifique et la personnalité de celui qui l’a faite, le lien est fort lâche ; en maintes circonstances, le temps a tôt fait de le dénouer. Parfois, pendant des siècles, les traités et les cours continuent de joindre le nom de l’inventeur à l’énoncé de la proposition mathématique, de la loi physique qu’il a énoncée le premier ; on dit : les théorèmes d’Apollonius, le principe de Huygens ; mais de celui qui a porté ce nom, qui donc s’enquiert, sauf quelques curieux d’érudition ? En quel temps, en quel lieu vécut-il ? Qui fut-il ? Par quelles suites de méditations et d’essais est-il parvenu à connaître cette vérité qui lui vaut de n’être pas tout à fait oublié ? Ce sont questions que l’on ne songe guère à poser, que l’on ne souffre point de voir sans réponse. Le nom propre que l’on accolle à une proposition n’est plus qu’une étiquette commode pour la désigner ; le géomètre dit : le théorème de Pythagore, le théorème de Simson, comme il dit : le théorème des trois perpendiculaires.

Celui donc qui use d’un théorème de Géométrie ou d’un principe de Physique ne s’inquiète aucunement de savoir s’il est bien l’œuvre de l’auteur dont il a pris le nom. S’il s’en inquiétait, que d’appellations injustifiées il aurait à relever ! Ici, il entendrait attribuer à tel inventeur une vérité que celui-ci a tout juste soupçonnée, et que ses successeurs ont eu presque entièrement à découvrir. Là, au contraire, il verrait oublier le véritable initiateur, tandis que l’idée dont on le dépouille assure la renommée de quelque vulgarisateur sans mérite, de quelque plagiaire sans scrupule ; le continent découvert par Christophe Colomb reçoit le nom d’Amerigo Vespucci. D’ailleurs, à côté de ces vérités mal dénommées, il en trouverait une foule d’autres, et non des moindres, que ne marque aucun nom ; nul ne se