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tement. Tout cela était beau, plus encore, intime et doux, et bien fait pour charmer le voyageur, l’étranger, et lui rendre l’acclimatation facile et prompte.

Quant à la maison elle-même, elle était vaste, propre, riante, bien tenue, une bonne vieille maison, qui avait abrité plusieurs générations, et n’en était que plus humaine, plus hospitalière, plus maternelle. On y pouvait courir à l’aise dans les escaliers et les corridors, et pour jouer à cache-cache elle était parfaite, tant elle était pleine, surtout au rez-de-chaussée, de coins et recoins. La maîtresse de cette maison, Mme Ledan, mère de trois enfants, semblait, l’être aussi des quatre autres qui étaient venus se joindre à ceux-là. Ses deux fils étaient : l’un d’un an plus âgé, l’autre d’un an plus jeune qu’Édouard, et la fille, une gentille enfant de treize ans, semblait une autre Adrienne. Les trois pensionnaires, tout en se permettant, comme tout le monde, d’avoir chacun ses petits défauts, n’étaient pas mauvais camarades. Enfin, le directeur de ce petit pensionnat, M. Ledan, avait l’éminente qualité de l’instituteur : la clarté dans l’explication, une dose de patience, qui n’est pas moins nécessaire, et beaucoup de bonté.

Édouard fut accueilli comme un membre de la famille. Il ne tenait donc qu’à lui de se trouver bien ; mais il venait, nous le savons, avec un grand chagrin dans le cœur, l’exil de la maison maternelle et le cruel souvenir de ses fautes. Et comme, ainsi que nous l’avons remarqué déjà, le goût que nous trouvons à la vie ne tient pas tant aux choses en elles-mêmes qu’à l’état de santé ou de maladie des organes qui nous mettent en rapport avec ces choses, ce chagrin d’Édouard était comme un voile jeté sur ses yeux, qui affaiblissait pour lui l’éclat du soleil, le charme de cette belle nature, et qui empêchait les bonnes paroles et les bons soins d’arriver jusqu’à son cœur.

Cette tristesse ne saurait être blâmée ; car elle venait, outre ses remords, de l’attachement qu’il avait pour ses parents et du regret de ne plus habiter près d’eux. Mais il eût été bon pourtant qu’il fût sensible à la cordialité qu’on lui montrait, et ce n’eût pas été de l’ingratitude envers ses parents que d’être reconnaissant pour ses hôtes. En dépit de leurs prévenances, il parlait peu, répondait à peine, faisait ses devoirs en silence, et pendant les récréations se promenait seul, à petits pas, dans la cour ou dans le jardin, et quelquefois s’asseyait dans un coin, où il rêvait tristement.

« Édouard, viens donc jouer à colin-maillard.

— Édouard, les quatre coins !

- Non ! répondait-il, je ne veux pas jouer. ».

Et il s’éloignait.

« Édouard, vous ne faites donc pas votre jardin ?

— Oh ! je ne sais pas. »

Quelquefois Amine Ledan courait après lui.

« Édouard ! au moins, puisque vous n’aimez pas à courir, venez faire avec moi une partie de cerceau.

— Merci, j’aime mieux marcher. »

Et sur cette réponse peu gracieuse, Édouard laissait là, toute déconcertée, la bonne petite fille, qui ne songeait pourtant en ceci qu’à le distraire.

Peu à peu, la sécheresse d’Édouard lassa la bonne volonté de chacun. On avait eu d’abord compassion de lui ; on avait fait des efforts pour l’égayer ; mais voyant que ce petit misanthrope s’obstinait à repousser toutes les avances et à fuir le jeu, qu’il ne semblait nullement touché des bons sentiments qu’on avait pour lui, on finit par ne plus s’en préoccuper. Natu-