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— Et comment se trouve-t-il à cette place ?

— Parce que le possesseur de ce sac vient de le laisser tomber en fuyant précipitamment.

— Et ce Makololo ?

— N’en déplaise à votre Honneur, répondit le bushman en contractant ses poings avec colère, ce Makololo était dans cette peau d’oryx, et c’est sur lui que vous avez tiré ! »

Sir John n’avait pas eu le temps d’exprimer sa surprise, que Mokoum, remarquant à cinq cents pas environ une certaine agitation entre les herbes, fit aussitôt feu dans cette direction. Puis, sir John et lui de courir à perdre haleine vers l’endroit suspect.

Mais la place était vide. On voyait an froissement des herbes qu’un être animé venait de passer là. Le Makololo avait disparu, et il fallait renoncer à le poursuivre à travers l’immense prairie qui s’étendait jusqu’aux limites de l’horizon.

Les deux chasseurs revinrent donc, fort

inquiets de cet incident, qui devait, en

effet, exciter leurs inquiétudes. La pré-

sence d’un Makololo au dolmen de la forêt incendiée, ce- déguisement très-usité chez

les chasseurs d’oryx, qui le cachait na-

guère, témoignait d’une véritable persistance à suivre à travers ces régions désertes la troupe du colonel Everest. Ce n’était pas sans motif qu’un indigène appartenant à la tribu pillarde des Makololos épiait ainsi les Européens et leur escorte. Et plus ceux-ci s’avançaient vers le nord, plus le danger s’accroissait d’être attaqué par ces voleurs du désert.

Sir John et Mokoum revinrent au campement, et son Honneur, tout désappointé, ne put s’empêcher de dire à son ami William Emery :

« Vraiment, mon cher William, je n’ai pas de chance ! Pour le premier oryx que je tue, il était déjà mort avant que je ne l’eusse touché ! »

Jures Verne.

La suite prochainement.

(Reproduction et traduction interdites.)



LA JUSTICE DES CHOSES

ÉDOUARD MOROSE

La campagne habitée par M. Ledan était située sur les bords de la Loire, entre Angers et Saumur, au milieu d’un paysage ravissant et à quelques pas du château de Trèves, une des ruines les plus majestueuses du moyen âge. Dans ce beau pays, le climat est d’une grande douceur ; le soleil chauffe, pénètre et ne brûle pas ; la végétation y est luxuriante, fleurie : le fleuve large et chaud coule sur un sable fin ; les villages sont gais, et, à chaque pas, tour crénelée ou clocher gothique, noms de champs, de bois, de vallons, inscrits dans l’histoire, ajoutent les grandeurs de la légende aux beautés de la nature.

La maison était placée entre une cour plantée de tilleuls et qui, avec ses murs couverts de plantes grimpantes, déjà, semblait un jardin, et le jardin, planté d’arbres fruitiers, bordé par la Loire, et divisé en grands carrés potagers, festonnés de bandes de fleurs. Autour de la maison, c’étaient de grands prés avec des lignes onduleuses de peupliers, des prés où paissaient des vaches ; en face, des bois, des coteaux ; de temps en temps, sur le fleuve, la voile d’un bateau chargé, glissant len-