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LA JUSTICE DES CHOSES

VOLEUR !!!

Oui ! voleur ! car il faut, quoi qu’il en coûte, flétrir les vices du nom qui leur appartient, et il ne servirait de rien de reculer devant l’implacable vérité.

Du menteur au voleur, la différence n’est pas grande. Le menteur vole la confiance des gens ; le voleur soustrait leur bien. Le premier tort n’est pas le moins grand. Je préfère, quant à moi, qu’on m’enlève un objet, utile sans doute, mais qui, après tout, ne fait pas partie de moi-même, que de m’ôter ma propre clairvoyance, et la connaissance de la vérité.

Si la différence n’est pas grande, en outre, tout pousse à la franchir. Plus on a menti, plus on s’est créé de difficultés. Or le moyen le plus général et le plus facile de surmonter les difficultés, c’est, trop souvent, l’argent. Il n’y a même que ce moyen-là pour sortir de maints embarras. Acculé, désespéré, près de voir s’écrouler son fragile échafaudage, et, craignant la honte et le châtiment, le menteur désire naturellement avec ardeur la possession d’un moyen qui puisse le sauver ; or, ne l’ayant pas, il s’en empare. C’est ainsi que les vices naissent les uns des autres, comme je l’ai dit, comme on l’a vu, comme on va le voir encore,

Vous pensez bien que le club, les journaux à commérages, le cigare et le punch aidant, le travail d’Édouard n’était plus le même. Maintenant, de tout autres pensées que celles de l’étude s’étaient emparées de son cerveau, qui vagabondait dans tous les sens, et ne s’occupait plus que de petits faits bêtes, méchants ou ridicules. Il ne rêvait plus, grâce aux petits journaux, que de tout ce qui se passait dans les lieux fréquentés par les oisifs et la mauvaise compagnie, où l’on perd son temps, son argent et son esprit. Il s’appliquait à faire des jeux de mots, ou à deviner des calembours, au lieu d’expliquer ses problèmes ou de s’appliquer à ses devoirs. En outre, le cigare, que maintenant il fumait —sans nausées, alourdissait ses facultés cérébrales : car le tabac est un parcotique comme lopium. Déjà très-nuisible aux hommes, qui depuis cinquante ans surtout en font abus — ce qui n’est sans doute pas sans influence sur l’état actuel de notre monde, — le tabac a sur l’organisme délicat de l’enfant des effets encore plus funestes. L’eau-de-vie, enfin, si peu qu’Édouard en bût chaque semaine, détruisait d’une autre manière cette jeune constitution en train de se former. Il devenait pâle et bouffi, lui, dont les joues avaient été si roses et si fraiches, et il lui prenait des heures de tristesse et d’abattement, dont lui-même ne savait pas le motif, et pendant lesquelles sa tête alourdie n’était capable d’aucun travail. Puis, avec la vie au grand jour paisible et pure, et avec l’estime de soi-même, le goût de bien faire s’en était allé. De tout cela, il résultait qu’Édouard, après avoir été un des bons élèves de sa classe, en était devenu l’un des mauvais. Il ne rapportait plus chaque samedi que de détestables notes, et par conséquent n’avait plus droit à sa pièce de 50 centimes chaque dimanche. Comment dès lors acquitter sa cotisation ?

Cependant, celui des grands qui avait