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maison à témoin d’un tour qu’on s’est joué à soi-même.

À vrai dire — car il ne faut pas tout mettre sur le dos des enfants — il n’est guère de gens, grands ou petits, à qui ne soit arrivée cette aventure, dont la confusion est d’autant plus grande que l’on a fait plus de tapage et lancé plus de soupcons. Aussi faut-il conseiller à ceux qui cherchent d’être patients. L’ennui de chercher est le salaire de l’étourderie ou du désordre ; mais ce besoin d’accuser les autres plutôt que soi, vient de l’opinion intime qu’on à de sa propre infaillibilité, — ce qui est bien amusant, avouons-le, pour les accusés, quand le fait lui-même, tranchant le débat, vient souffleter l’arrogant coupable.

Tous les enfants, à fort peu d’exceptions près, sont plus ou moins étourdis. Édouard le fut pendant quelque temps plus que tous les autres. À quoi cela tenait-il ? Je ne sais, sinon que les enfants ont comme cela parfois des sortes de crises qui s’emparent d’eux ou des manies dont ils s’emparent, et qu’ils défendent plus ou moins de temps, avec plus ou moins de ténacité et de vaillance, contre les remontrances et les punitions, les désagréments et les accidents que ces manies ou ces défauts leur procurent. Voici quelques-unes des mésaventures d’’Édouard à ce propos. Les conséquences des étourderies sont en général comiques plutôt que terribles. — Pas toujours, cependant.

Je ne vous parlerai ni des bosses à la tête, ni des culbutes sur la glace, ni des encriers renversés, ni des mouchoirs perdus, ni des objets cassés ou endommagés ; ces détails sont ordinaires. Cependant il faut dire que les parents d’Édouard, tenant avec raison à leur mobilier, avaient établi, comme frein à cette fureur dévastatrice, que toutes les fois qu’un dégât sérieux aurait été commis, cela emporterait de plein droit la suppression de la pièce de 50 centimes qui était allouée par semaine à Édouard. Il y eut des mois malheureux, où le budget de notre écolier resta complétement nul. En revanche, l’article dépenses du budget de sa maman se grossissait de réparations ou d’achats. C’était donc bien juste. Encore la pièce de 50 centimes n’y suffisait-elle certainement pas.

Mariette avait assez à faire sans les commissions. La maman ne sortait pas tous les jours ; on préférait prendre les provisions de ménage chez un épicier qui demeurait loin, mais dont les prix étaient plus avantageux et les denrées de meilleure qualité. Édouard passait devant ce magasin tous les jours en revenant du collége. De toutes ces circonstances, il résultait qu’Édouard était souvent chargé de commissions, dont il s’acquittait rarement bien, prenant une chose pour une autre ou parfois oubliant le tout. Par exemple un jour qu’on attendait pour le déjeuner une boite de sardines, Édouard entre et pose sur la table un flacon de cornichons.

« Comment, Édouard ! s’écrie la maman.

— Tu ne m’avais pas demandé des cornichons ?

— Pas du tout ; des sardines.

— Ah ! bien, j’ai entendu…

— Ça rime si bien ! dit Adrienne.

— C’est ce qui s’appelle n’être bon à rien, » dit le papa qui aimait les sardines et avait l’habitude d’en manger à son déjeuner.

Il ajouta :

« Eh bien ! qu’on serve à cet intelligent garçon un cornichon à manger avec son pain. Il apprendra peut-être par cette expérience à distinguer les végétaux des poissons.

— Se tromper n’est pas un crime, objecta Édouard très-piqué.

— Non, reprit le para, ce n’est pas un