Page:Magasin d education et de recreation - vol 15 - 1871-1872.djvu/184

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Tu es en possession de la vie, et la vie a ses peines. Voudrais-tu mourir ?

— Pas du tout, mère, tu le sais bien. Pourquoi me demandes-tu tant de choses ?

— Si l’on te proposait une belle ascension de montagnes, l’accepterais-tu ?

— Je crois bien ! s’écria Édouard qui ne rêvait que d’une excursion pareille.

— Mais il y a souvent du nest sûrement de la fatigue.

— Sans doute, on n’a rien sans peine. C’est là le plaisir.

— Tu viens de dire toi-même le mot du vrai en toute chose de la vie morale ou matérielle. Oui, tout plaisir est joint à un travail ; tout bien renferme un mal possible, toute faculté nous rend capables à la fois de souffrance et de jouissance. Mais le seul mal irréparable et profond, le seul complet, c’est d’être privé de ces facultés qui sont la force et la splendeur de la vie ou plutôt la vie elle-même en puissance. Tu aimes bien mieux avoir une conscience et souffrir quand tu fais mal, et tu as raison, parce que par elle tu sens, tu connais, tu vis, et que tu jouis aussi quand tu fais bien. Car le dernier des malheurs pour J’être humain, c’est d’être fermé à certaines impressions, c’est d’être incapable de certaines souffrances, et par conséquent des joies qui y correspondent. La vie est le bien par excellence. Tout ce qui l’abaisse et la restreint est un mal, tout ce qui l’élève et l’étend est un bien. Être insensible de cœur, c’est être plus d’à moitié mort. Nous ne pouvons savoir ce que la vie réserve à ce pauvre garçon qui ne souffre pas de faire souffrir. Il est pourtant probable qu’un jour : ou l’autre ceux qu’it blesse, irrite ou moleste, se retourneront contre lui, et leur vengeance peut être cruelle. Mais ce dont nous sommes sûrs dès à présent, c’est qu’il est fort à plaindre d’être privé de cette faculté si belle et si vaste, la sensibilité, comme de cette faculté si haute, la conscience. C’est toucher de bien près à l’animalité, c’est être homme le moins possible, et cette abjection n’est-elle pas à elle seule un immense malheur ?»

Édouard comprit cela. Désormais la brutalité de son camarade lui inspira une pitié profonde, et il n’eût voulu pour rien au monde lui ressembler.

Lucie B.

La suite prochainement.


CAUSERIES ÉCONOMIQUES

LES DIVERSES FORMES DU SALAIRE.

Le père Dupont, après un moment de silence, s’adressant au voisin Bonnard : « Nous pourrions peut-être nous associer pour l’entreprise du terrassement, j’en parlerai à mon cousin, et s’il consent à se joindre à nous, nous aurons assez de capitaux. La question est de savoir comment vous voulez faire exécuter le travail ?

LE VOISIN BONNARD. — Le plus souvent on s’entend avec des ouvriers et on leur offre un salaire fixe, tant par jour, mettons 3 francs, et l’on paye à le fin de la semaine, ou de la quinzaine, selon l’usage.

L’INSTITUTEUR. — Il y a malheureusement